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jeudi 31 janvier 2013

Réponse de JJ Urvoas

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, chers collègues, comme nous tous ici, j’ai écouté Laurent Wauquiez avec d’autant plus d’attention que nous n’avons pas souvent ce plaisir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.) Je l’ai fait avec d’autant plus d’attention que c’est la première fois, dans cet hémicycle ou en commission, que nous entendons Laurent Wauquiez, lequel, jusqu’à présent, ne s’était pas exprimé sur ce sujet. (Huées sur les bancs des groupes SRC, GDR, écologiste et RRDP. – Exclamations et claquements de pupitres sur de très nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. S’il vous plaît, un peu de calme !

M. Christian Jacob. Je demande la parole, monsieur le président, c’est intolérable !

M. le président. Monsieur Jacob, je vous donnerai la parole quand M. Urvoas aura fini. (Exclamations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP. – M. Christian Jacob persiste à demander la parole.) L’orateur seul a la parole, monsieur Jacob, et vous le savez très bien. Vous l’aurez ensuite. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Rappel au règlement !

M. le président. Monsieur Jacob, nous sommes dans le cadre des explications de vote. Il n’y a pas de rappel au règlement ni de suspension de séance une fois qu’un orateur a pris la parole.

Veuillez poursuivre, monsieur le président de la commission !

M. Patrick Balkany. C’est scandaleux !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

Je vous ai écouté, monsieur Wauquiez, et vous avez dit que nous avions peur. De quoi aurions-nous peur ? De nos convictions ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je vous le dis, mes chers collègues, nous sommes fiers de nos convictions (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR, écologiste et RRDP), fiers de la victoire de François Hollande (Mêmes mouvements), fiers de l’engagement 31 de François Hollande, fiers du combat de Dominique Bertinotti au service de toutes les familles, fiers de Christiane Taubira dans son combat pour l’égalité (Mêmes mouvements).
 
Nous aurions peur ? Qui, ici, parle de peur ? Vous passez votre temps à nous parler de vos craintes, de vos fantasmes, de GPA. Une fois pour toutes, cette majorité ne veut pas de la GPA et il n’y aura pas de GPA ! (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC, GDR, écologiste et RRDP. – Claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP.)
 
Vous avez, monsieur Wauquiez, défendu avec talent une motion référendaire pour que le peuple puisse se prononcer.

M. Christian Paul et M. Jean Glavany. Non, sans aucun talent !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

En tant que président de la commission des lois, je vais essayer de répondre sur le fond à votre demande de motion référendaire – et ce ne seront pas des arguties juridiques.
 
J’ai été surpris que vous empruntiez cette voie, parce que vous la suivez…

M. Lucien Degauchy. Rigolo ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, GDR, écologiste et RRDP.)

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

Cher collègue, relisez donc Talleyrand : « Tout ce qui est excessif est insignifiant ». (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR, écologiste et RRDP.)
 
Juridiquement, la voie que vous avez choisie est une impasse. Je suis convaincu que vous en êtes persuadés, mais que, par pur opportunisme, vous feignez de l’ignorer. Pourquoi ? Parce que c’est votre majorité, en 1995, qui a apporté la réponse. Jacques Chirac est le dernier Président de la République à avoir engagé une révision constitutionnelle pour élargir l’article 11. Et puisque ce ne sont pas nos arguments qui arrivent à vous faire douter, je vais en appeler à des membres de votre majorité de l’époque.
 
On nous a déjà parlé de Jacques Toubon. Aussi vais-je citer quelqu’un d’autre, qui a, lui aussi, présidé la commission des lois entre 1993 et 1997 avant d’être nommé au Conseil constitutionnel par Jacques Chirac. Ce collègue éminent, bien plus compétent, naturellement, c’est Pierre Mazeaud, qui a présidé le Conseil constitutionnel en 2004. Pierre Mazeaud a rapporté la révision constitutionnelle de 1995 et a signé un rapport le 5 juillet 1995. Il pose cette question : « que va donc couvrir le champ de l’article 11, que nous allons élargir, et que va-t-il interdire ? »

M. Christian Paul. Nous y voilà !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

Vous n’en serez pas surpris, il affirme qu’il va reprendre ce que disait tout à l’heure Dominique Bertinotti : en seront exclus le droit pénal, les libertés publiques, les prérogatives de police et le droit civil.

M. Christian Paul. Et voilà !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

Nous avons le sentiment de parler ici de la modification du droit civil de la famille.
 
Monsieur Wauquiez, vous avez dit : « Non, c’est une réforme sociétale, c’est donc une réforme sociale, cela relève de l’article 11 de la Constitution. » Là encore, je vais faire appel à votre mémoire et aux écrits de Pascal Clément et de Jacques Toubon.
 
Pascal Clément, juriste éminent, a présidé la commission des lois de notre assemblée et a été garde des sceaux. Le 11 juillet 1995, il a déposé un amendement visant à ouvrir le référendum aux questions de société. Il disait – j’imagine que vous allez vous retrouver – qu’il fallait cet élargissement parce que restreindre la compétence du peuple français aurait quelque chose d’inexplicable. Vous en êtes d’accord.
 
Jacques Toubon, garde des sceaux, membre de vos organisations politiques, a répondu : « Non, nous ne ferons pas cela, parce que nous considérons qu’il ne faut pas se risquer sur ce terrain, de peur de remettre en cause les principes fondamentaux reconnus par le Conseil constitutionnel et par l’ensemble des textes depuis le Préambule de 1946. Cela ferait courir un très grand risque à l’équilibre des institutions et aux libertés dont bénéficient les Français, et nous nous y refusons ». C’est Jacques Toubon qui parle, ce n’est pas Christiane Taubira, ce n’est pas non plus Dominique Bertinotti. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Depuis, rien n’a bougé. Pourtant, cela aurait pu en 2008, parce que des amendements ont été déposés dans cet hémicycle par des collègues membres du groupe UMP qui demandaient l’élargissement du champ du référendum aux questions de société. C’est Mme Rachida Dati, garde des sceaux (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP), c’est Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois qui ont dit non !
 
Vous nous avez parlé de François Mitterrand, monsieur Wauquiez. François Mitterrand avait en effet proposé, en 1984, d’élargir le champ du référendum. Qui a dit non ? Le Sénat, où vous étiez majoritaires !

Mme Catherine Coutelle. Absolument !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

Depuis, rien n’a bougé. En 1984, en 1995 et en 2008, c’est vous qui vous êtes opposés à l’élargissement du champ du référendum ! Il est donc pour le moins savoureux que vous le proposiez aujourd’hui !
 
À la question « Les réformes de société sont-elles relatives aux réformes sociales de la nation, comme le prévoit l’article 11 ? », vous répondez « oui », monsieur Wauquiez, dans votre motion référendaire. Parfait !
 
Les manuels de droit constitutionnel répondent « non ». Balayons-les et prenons un autre ouvrage, celui-ci, par exemple : Les 101 mots de la démocratie. Pas mal ! Il a été publié chez Odile Jacob en 2002. À la page 444, à la question « Les réformes de société relèvent-elles des réformes sociales de la nation dans l’article 11 ? », les auteurs répondent « non ». Les auteurs sont Raphaël Hadas-Lebel et Laurent Wauquiez. (Mmes et MM. les députés des groupes SRC, GDR, écologiste et RRDP se lèvent et applaudissent.)

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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