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jeudi 31 janvier 2013

Réponse de Christiane Taubira

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme la ministre chargée de la famille vient de répondre aux questions d’ordre constitutionnel mais vous connaissez déjà parfaitement tout cela. Vous vous réclamez volontiers d’un courant de pensée politique qui a considéré le référendum comme un instrument de recours au peuple, mais en en définissant précisément le champ d’application. Je ne m’appesantirai pas sur la question.
 
Vous connaissez aussi la tradition philosophique du droit français qui relève de Rousseau, avec le recours à la souveraineté populaire, mais aussi de Montesquieu, avec la démocratie représentative. Vous savez parfaitement que, dans l’histoire du droit et dans l’histoire des grandes politiques publiques, cette double filiation philosophique a toujours été respectée.
 
Je m’arrêterai très brièvement sur les propos de M. Wauquiez et le réquisitoire qu’il a essayé de dresser contre moi y compris ad hominem, en m’attribuant des propos que je n’ai jamais tenus. Tout cela n’est pas très important et se reproduira sans doute fréquemment ces deux prochaines semaines. Je n’y répondrai pas forcément.
 
Pourquoi parlez-vous, à propos de la circulaire de ce matin, de circulaire en catimini ? Les circulaires ne sont jamais des documents classés secret-défense, elles sont toujours publiées au Bulletin officiel. Par ailleurs, j’en ai fait état le 16 janvier devant la commission des lois (« Non, non ! » sur les bancs du groupe UMP) et mon audition a été retransmise en direct, notamment sur la chaîne parlementaire. En tout état de cause, le procès-verbal fera foi si c’est nécessaire.
 
Que dit cette circulaire ? Parce que le Gouvernement est indéfectiblement attaché au principe de l’indisponibilité du corps humain, il évite justement que, par ce biais-là (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…

M. Christian Jacob. C’est confus !

M. le président. S’il vous plaît, M. Wauquiez a posé des questions, écoutez au moins les réponses !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.

Vous le savez très bien, monsieur Wauquiez, l’arrêt de la Cour de cassation va exactement dans le même sens. J’y reviens pour éclairer la représentation nationale et les Français.
 
Chaque année, 450 000 actes d’état civil sont enregistrés à l’étranger. Ils sont enregistrés dans nos consulats. Lorsqu’un consul a un doute sur l’enregistrement d’un acte, il le signale au ministère des affaires étrangères, qui en avertit le parquet de Nantes.

M. Christian Jacob. Mais ce n’est pas de cela qu’il est question dans votre circulaire ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.

Je comprends parfaitement que cela vous dérange profondément que je clarifie la situation.
 
Reprenons : le consulat fait saisir le parquet et le parquet examine les cas. Sous le dernier quinquennat, entre 2008 et 2011, quarante-quatre cas ont été signalés au parquet parce que le consul soupçonnait une gestation pour autrui. Le doute a été confirmé pour 38 d’entre eux par décision du procureur de la République. Rendons hommage à la vigilance de nos consulats, qui repèrent ces cas de gestation pour autrui, les signalent et permettent ainsi au parquet d’accomplir son travail.
 
Pour l’année 2012, les chiffres sortis en décembre font état de douze dossiers. Lorsque les contentieux sont différents, les décisions de justice sont différentes, mais les actes administratifs, fondés sur le droit, doivent être égaux et identiques dans toutes nos juridictions. Dans certaines juridictions, les greffes des tribunaux d’instance délivrent le certificat de nationalité française, qui n’est pas à attribuer puisque ces enfants sont Français du fait de leur filiation paternelle.

M. Laurent Wauquiez. C’est bien une reconnaissance de la gestation pour autrui !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.

Non, monsieur Wauquiez, ce n’en est pas une, quoi que vous disiez !
 
Par cette circulaire, nous demandons aux greffiers que, sur la base du document d’état civil probant, ils délivrent le certificat national de nationalité française.
 
Si dans deux semaines vous voulez nous reposer la question, par respect pour le Parlement, nous vous répondrons à nouveau.
 
Vous avez prétendu que je vous aurais traité d’hypocrites. Je répète ce que j’ai dit, mais le compte rendu fait foi de toute manière : puisque le mariage des homosexuels n’enlève strictement rien aux hétérosexuels….

Plusieurs députés UMP. Ce n’est pas le problème !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.

Posons des mots sur des sentiments et des comportements. Je maintiens mes propos : oui, il est hypocrite de faire semblant de ne pas voir ces familles homoparentales et ces milliers d’enfants qui sont exposés à un regard social réprobateur (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
 
Vous nous parlez des effets psychologiques sur les enfants, mais ces effets sont d’abord le fait du regard social, des discriminations, du rejet, du refus d’une citoyenneté ! (Les députés des groupes SRC, GDR et écologiste se lèvent et applaudissent).
 
Alors, oui, nous le refusons. Je suis désolée de vous déplaire si, par hasard, il vous est arrivé de penser que je vous traitais d’hypocrites.

M. le président. Rasseyez-vous, mesdames et messieurs les députés.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.

Vous nous parlez de l’intime mais, monsieur Wauquiez, en ce domaine, nous nous faisons un devoir de réfréner nos élans, nos sympathies, nos aversions, parce que nous statuons en droit. Il s’agit ici de droits et de libertés. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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