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samedi 6 avril 2013

Présentation par JP Michel, rapporteur

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, indéniablement, le texte dont nous entamons aujourd’hui la discussion pose problème et provoque des débats au sein de notre société.
 
Pour ma part, je respecte toutes les opinions, dès lors qu’elles sont respectueuses des droits des citoyens, notamment de ceux des homosexuels.

M. David Assouline. Très bien !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Nous sommes saisis d’un projet de loi, or « les lois ne sont pas des actes de puissances, ce sont des actes de sagesse, de justice et de raison ».

M. Gérard Longuet. Eh bien il y a beaucoup à faire !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. C’est sous l’égide de Portalis, dont je viens de lire une phrase extraite du Discours préliminaire au code civil, que je veux me placer dans ce débat.
 
Discuter d’un tel texte aujourd’hui est pertinent, non seulement parce qu’il transcrit une promesse du candidat François Hollande (Exclamations sur les travées de l’UMP.),…

M. Bruno Sido. Le roi de la promesse !

M. Jean-Noël Cardoux. Une République irréprochable !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. … mais surtout parce qu’il est le produit d’une triple convergence qui lui donne toute sa force.
 
En effet, depuis la fin de la guerre, la perception sociale et juridique de l’homosexualité a évolué. Nous sommes passés de la condamnation à la reconnaissance. La famille et le mariage ont également connu une évolution sociologique importante, sur laquelle je reviendrai plus tard. Enfin, certains pays de l’Union européenne et d’autres extérieurs à celle-ci nous ont devancés dans l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe et la reconnaissance de l’homoparentalité, même si ces deux questions ne sont pas toujours liées dans ces différents pays.
 
En consacrant cette évolution, le projet de loi dont nous débattons marque un geste fort d’égalité. À cet égard, que l’on me permette de citer le père de nos constitutions et de notre démocratie parlementaire, Sieyès, qui écrivait ceci dans Qu’est-ce que le Tiers État ? : « Je me figure la loi au centre d’un globe immense ; tous les citoyens sans exception sont à la même distance sur la circonférence et n’y occupent que des places égales. » (M. le président de la commission des lois applaudit.)

M. Gérard Longuet. Ce n’est pas le sujet !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Ce vœu d’égalité, déjà formulé lors des débats sur l’instauration du PACS, est conforme aux principes qui fondent notre République.
 
Cependant, il a été dénoncé à plusieurs reprises lors des auditions : certaines personnes entendues et certains de nos collègues ont fait valoir que l’égalité n’est pas l’identité…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Exactement !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. … et qu’elle n’impose de traiter également que des personnes placées strictement dans les mêmes situations.
 
L’argument mérite d’être entendu : l’égalité n’est pas l’identité. Pour autant, cet argument s’applique-t-il vraiment à la situation visée par le présent projet de loi ?

M. Bruno Sido. Oui !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Non, car ce texte écarte toute assimilation des couples homosexuels aux couples hétérosexuels en ce qui concerne la filiation biologique.
 
Hors ce cas, lorsqu’il s’agit de protection mutuelle, fondée sur l’amour que l’on se porte, quelle différence entre un couple homosexuel et un couple hétérosexuel ?

M. Gérard Longuet. Une différence énorme : la vie !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Lorsqu’il s’agit de la protection d’un enfant par la reconnaissance juridique des liens qui l’unissent à ceux qui l’éduquent, qui l’élèvent, qui l’aiment, quelle différence entre l’enfant de parents de même sexe et celui de parents de sexe différent ?

Mme Sophie Primas. D’accord.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Pourquoi réserver aux uns le mariage et ses effets, et tenir les autres à l’écart de ce statut protecteur ? L’exigence d’égalité commande d’ouvrir l’accès au mariage aux couples de personnes de même sexe, parce que la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse », comme le proclame l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
 
Cette même exigence exclut qu’un statut social à part leur soit réservé. L’idée est souvent avancée, par ceux qui s’opposent au mariage des couples de personnes de même sexe, que l’égalité des droits pourrait être assurée par un statut spécifique, distinct du mariage, propre aux couples homosexuels : M. Gélard la développera tout à l’heure. Cette union civile s’ajouterait au pacte civil de solidarité, ou s’y substituerait, les droits et les obligations ouverts par ce dernier étant alors renforcés.
 
Outre le fait que, pendant les dix années que vous avez passées au pouvoir, vous n’avez pas renforcé le PACS, j’observe qu’une telle proposition ne peut être retenue, car elle contredit l’esprit qui anime la présente réforme, en perpétuant l’inégalité ou la différence de traitement appliquée à des situations pourtant identiques.
 
En effet, soit l’union civile offre aux couples homosexuels exactement les mêmes droits et les mêmes garanties que le mariage – mais quel serait alors l’intérêt de créer un doublon du mariage, sauf à vouloir priver les couples de personnes de même sexe d’une reconnaissance sociale symbolique, en réservant la dénomination « mariage » à l’union d’un homme et d’une femme ? (Exclamations sur les travées de l’UMP.) –,…

M. Bruno Sido. L’adoption !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. … soit elle est en retrait par rapport au mariage. Mais alors, comment justifier que l’on prive les couples homosexuels de droits – en dehors de ceux relatifs à la filiation biologique – reconnus aux couples hétérosexuels ? Un statut à part les cantonnerait dans une place à part au sein de notre société, ce qui ne correspond pas aux fondements de l’universalisme républicain.

M. François Rebsamen. Très bien !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Maître Jacques Combret, s’exprimant devant la commission des lois au nom du Conseil supérieur du notariat, a d’ailleurs écarté en ces termes la possibilité de régimes juridiques spécifiques :
 
« Les associations familiales ont demandé pourquoi on n’avait pas choisi un partenariat enregistré pour les couples homosexuels. Mais l’on ne pouvait guère revenir en arrière pour établir un PACS à géométrie variable selon l’orientation sexuelle des contractants ; […]. Enfin, il serait compliqué de juxtaposer mariage entre personnes de sexe opposé, contrat pour les personnes de même sexe, PACS et concubinage. […] S’il vous plaît, assez de régimes juridiques différents, tenons-nous-en là. »
 
Aucune norme constitutionnelle ou conventionnelle ne proscrit le mariage de deux personnes de même sexe ni l’adoption par un célibataire ou un couple homosexuel. Au contraire, le principe d’égalité et le droit à une vie familiale et personnelle peuvent fonder l’accès des intéressés à ces deux institutions. En la matière, toutefois, la décision ne peut venir que du législateur, c’est-à-dire de nous, mes chers collègues.
 
Saisie de l’annulation du mariage célébré à Bègles, en Gironde, entre deux hommes,…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Dans l’illégalité totale !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. … la Cour de cassation a rappelé que, selon la loi française en vigueur, le mariage est l’union d’un homme et d’une femme…

M. Bruno Sido. Oui !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. … et « que ce principe n’est contredit par aucune des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme et de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui n’a pas en France de force obligatoire ».
 
Le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité défendue par deux femmes qui souhaitaient se marier, a confirmé que la loi française n’est pas contraire à la Constitution du seul fait qu’elle réserve le mariage à deux personnes de sexe différent. Il a ainsi déclaré que le droit de mener une vie familiale normale, qui résulte du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, n’implique pas le droit de se marier pour les couples de personnes de même sexe, qui peuvent vivre en concubinage ou bénéficier du cadre juridique du pacte civil de solidarité.
 
Pour autant, après avoir constaté que, en maintenant jusqu’à présent le principe selon lequel le mariage est l’union d’un homme et d’une femme, le législateur a considéré que la différence de situation entre les couples de personnes de même sexe et les couples de personnes de sexe différent peut justifier une différence de traitement quant aux règles du droit de la famille, le Conseil constitutionnel a rappelé qu’il ne lui appartenait pas « de substituer son appréciation à celle du législateur sur la prise en compte, en cette matière, de cette différence de situation ».
 
Cette dernière mention correspond, dans la jurisprudence constitutionnelle, à la limite que la haute instance donne à son propre contrôle et à la marge d’appréciation discrétionnaire qui relève de la compétence souveraine du législateur.
 
Ce faisant, le Conseil constitutionnel reconnaît que le choix d’ouvrir ou non le mariage aux couples de personnes de même sexe n’appartient qu’au législateur et qu’aucune norme constitutionnelle ne s’y oppose.
 
Les engagements internationaux de la France ne représentent d’ailleurs pas non plus un obstacle à la décision du législateur en cette matière.
 
Certains des principes qui inspirent les normes supérieures peuvent utilement guider le législateur dans son choix : la liberté, l’égalité, le droit de mener une vie familiale normale. Chacun plaide pour que ce droit, dont bénéficient aujourd’hui les couples hétérosexuels, soit ouvert aux couples homosexuels.
 
Sous cette lumière, la décision peut être débattue, mais l’avancée sociale apparaît plus que jamais nécessaire.
 
Mes chers collègues, je l’ai bien compris au cours des auditions et à l’écoute de vos interventions, c’est le mot « mariage » qui vous gêne… (Exclamations sur les travées de l’UMP.)

Mme Catherine Troendle. Ce n’est pas un mot, c’est une institution !

M. Bruno Sido. Il n’y a pas que le mot !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Ne confondez pas le mot et la chose ! Rappelez-vous la formule de Jacques Lacan : « le mot est le meurtre de la chose » !
 
Ce sont les rédacteurs du code Napoléon qui ont employé le mot « mariage » pour désigner une union civile entre un homme et une femme dont le cœur était la présomption de paternité, comme le rappelle si justement Irène Théry. Ils auraient pu utiliser un autre terme afin de dissocier cet acte du mariage religieux, que certains d’entre vous ont en tête.
 
Aujourd’hui, l’évolution du mariage montre bien qu’il s’agit de tout autre chose, puisque le mariage civil n’a rien à voir avec le sacrement religieux et que le présent projet de loi ne dénature point l’institution du mariage républicain hétérosexuel, contrairement à ce qu’affirment ses opposants. Le texte qui nous est soumis sanctionne plutôt l’évolution de l’institution elle-même, qui s’est abstraite depuis longtemps déjà du modèle, cristallisé pendant plusieurs siècles, sur lequel elle reposait, pour revenir aux principes de liberté et d’universalité qui la caractérisaient à l’origine, définissant davantage la protection que se donnent les deux époux que le seul modèle de filiation possible.
 
« Une affirmation de la liberté de l’homme, dans la formation comme dans la dissolution du lien matrimonial, c’est, pour l’ordre terrestre, l’essentiel du message français », rappelait le doyen Jean Carbonnier dans sa célèbre étude Terre et Ciel dans le droit français du mariage.
 
L’article 146 du code civil, inchangé depuis 1804, en porte encore aujourd’hui la marque, puisqu’il dispose qu’« il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement ».
 
Cet esprit de liberté s’appuie sur l’universalisme de l’accès au mariage : tout citoyen majeur peut y prétendre. La Révolution a ainsi opéré une rupture très nette avec le mariage religieux de l’Ancien Régime et confirmé l’égalité de tous devant le mariage. Aujourd’hui, le Gouvernement nous demande de franchir un pas supplémentaire dans cette voie.
 
En consacrant la liberté de mariage et en la rattachant à la liberté personnelle découlant des articles II et IV de la Déclaration de 1789, le Conseil constitutionnel manifeste qu’elle a partie liée avec l’universalisme républicain.
 
L’évolution du mariage vers plus de liberté et d’égalité s’est poursuivie aux XIXe et XXe siècles. Elle s’est manifestée dans la fin du monopole du mariage pour l’établissement de la filiation. La loi du 3 janvier 1972, inspirée par le doyen Carbonnier, a introduit une révolution totale du mariage et de la famille traditionnels tels qu’envisagés par certains d’entre vous, mes chers collègues. Elle a engagé l’abolition de la distinction entre enfants légitimes, enfants adultérins et enfants naturels, achevée avec l’ordonnance du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation.
 
Parallèlement, les formes de conjugalité ont évolué : s’il reste une référence majoritaire, le mariage n’est plus la seule union possible. Une étude de l’INSEE montre que, en 2011, en France métropolitaine, sur 32 millions de personnes majeures déclarant être en couple, seules 23,2 millions étaient mariées et partageaient la même résidence que leur conjoint, tandis que 22,6 % vivaient en union libre et 4,3 % étaient pacsées.
 
Comme l’a rappelé tout à l’heure Mme la ministre chargée de la famille, cette évolution des conjugalités a eu des conséquences sur les filiations : depuis 2006, il naît plus d’enfants hors mariage qu’au sein du mariage. Selon des chiffres provisoires, en 2012, les naissances hors mariage représentaient près de 60 % du total des naissances.
 
Il n’est dès lors plus possible, pour l’ensemble de ces raisons, de considérer le mariage comme l’unique institution de la filiation, indissociable de la filiation biologique.
 
Cela étant, mes chers collègues, le présent projet de loi n’enlève rien au mariage, à la famille traditionnelle,…

M. Charles Revet. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. … dont la plupart d’entre nous sont issus et n’ont qu’à se féliciter. Je tiens d’ailleurs, à cet instant, à rendre hommage à mes père et mère, qui m’ont élevé et ont fait de moi ce que je suis aujourd’hui ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)
 
Dès 1950, dans l’ouvrage précité, le doyen Carbonnier estimait que « notre droit matrimonial ne se dément pas : son génie, son démon, c’est la liberté ». Aujourd’hui, mesdames les ministres, le Gouvernement nous invite à aller vers plus de liberté, suivant en cela le doyen Carbonnier, qui pourtant n’aurait pas tout à fait partagé nos idées. (M. Michel Mercier acquiesce.)
 
Le sens du mariage a évolué, cette évolution exprimant avec plus d’intensité les ressorts libéraux et égalitaires de cette institution. Le texte qui nous est soumis s’inscrit dans cette dynamique, qu’il accompagne plus qu’il ne l’engage. L’institution du mariage a ainsi sensiblement changé de sens et de finalité : elle n’est plus un mécanisme de légitimation sociale des familles, elle garantit leur protection.
 
Le mariage n’est rien de moins que le plus haut degré de protection juridique que peuvent librement s’accorder deux personnes qui s’aiment, qu’elles soient de même sexe ou de sexe opposé. Surtout, cette protection dont profitent les époux s’étendra à leurs enfants, car il est de l’intérêt de ceux-ci que chacun de leurs parents soit suffisamment protégé. Elle se manifestera notamment par le fait que, en cas de séparation, un juge se prononcera obligatoirement sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale. Dans cette perspective, rien ne peut justifier de tenir encore à l’écart de la protection de la loi les familles homoparentales qui souhaiteraient se placer sous son égide.
 
Mes chers collègues, j’en suis profondément convaincu, le présent texte est destiné à protéger les enfants. (Protestations sur les travées de l’UMP. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Non, il ne faut quand même pas exagérer !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Cela vous gêne (« Non ! » sur les travées de l’UMP.), parce que vous ne voulez pas voir la situation dans laquelle se trouvent actuellement certains enfants rejetés par notre société !

M. François Rebsamen. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je le répète, ce texte est destiné à protéger les enfants et parachève une évolution engagée depuis plusieurs années, tendant à l’acceptation sociale de l’homosexualité et à l’affirmation, en parallèle, des familles homoparentales. Dans cette perspective, l’intérêt de l’enfant élevé par deux hommes ou par deux femmes est alors de bénéficier, comme tout autre enfant, de la protection que lui garantira l’établissement de sa filiation à l’égard de ceux qui l’élèvent et du statut de couple marié de ses parents.
 
À plusieurs reprises, au cours des auditions, la question de l’intérêt supérieur de l’enfant a été évoquée. Plusieurs professeurs de droit ont souligné qu’il était de l’intérêt de celui-ci que les filiations juridique et sociale correspondent. Mme Marie-Anne Chapdelaine, présidente du Conseil supérieur de l’adoption, a rappelé que, si une partie des membres de son organisation s’est interrogée sur les conséquences d’une remise en cause de l’altérité sexuelle de la filiation, la majorité d’entre eux a jugé qu’ouvrir la possibilité de l’adoption de l’enfant d’un conjoint du même sexe va dans le sens de l’intérêt de l’enfant : dans les familles homoparentales déjà constituées, cette adoption lui apporte la stabilité juridique et la continuité nécessaires à son développement. L’argument est majeur, parce qu’il vise, notamment, la procédure d’adoption intrafamiliale de l’enfant du conjoint.
 
L’approche doit être pragmatique : ces familles et ces enfants ont droit à la protection de la loi. Or elles sont fragilisées du fait que l’un des deux parents n’a aucun lien juridique avec l’enfant qu’il élève pourtant aussi bien qu’un autre parent. Il est donc nécessaire d’autoriser l’adoption de l’enfant de l’autre parent. Or l’adoption de l’enfant du conjoint n’est possible que dans le cadre du mariage. Ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe permettra ainsi à leurs enfants de profiter de la protection que leur garantira cette adoption.
 
D’ailleurs, cette protection s’étend au-delà du simple lien de filiation, pour atteindre la protection mutuelle des époux, car il est de l’intérêt des enfants que leurs parents voient leur propre situation assurée face aux accidents de la vie ou du sentiment.
 
L’avancée qui résulterait de l’adoption du présent projet de loi est autant utile que nécessaire. Cette réforme importante doit être votée !
 
Ce texte s’inscrit dans une évolution européenne. Il apparaît que, dans les pays où le mariage entre personnes de même sexe a été autorisé, il n’y a eu ni drames ni bouleversement : la famille hétérosexuelle continue d’exister pleinement.
 
À ce jour, onze pays ont légalisé le mariage homosexuel, que ce soit en Europe ou ailleurs. Citons le district fédéral de Mexico et l’État du Quintana Roo, au Mexique, plusieurs États des États-Unis, le Québec, l’Argentine, dernièrement l’Uruguay et le Royaume-Uni, sur l’initiative du gouvernement conservateur de M. Cameron. Cette légalisation concerne plus de 280 millions d’habitants, répartis sur quatre continents.
 
Quant à l’adoption par un couple de personnes de même sexe, elle est autorisée dans un certain nombre de pays, qui n’ont d’ailleurs pas autorisé le mariage de tels couples.
 
La voie que trace la France avec ce projet de loi emprunte évidemment à cette perspective universaliste et égalitaire.
 
Les travaux de la commission des lois ont conduit son rapporteur à proposer un certain nombre de modifications au texte que nous a transmis l’Assemblée nationale. Je tiens, à cet instant, à rendre hommage au travail de nos collègues députés et du rapporteur Erwann Binet.
 
Nous avons conservé le périmètre du projet de loi et, en conséquence, repoussé tous les amendements visant à ouvrir d’autres possibilités de filiation, à instaurer d’autres formes d’unions, ou encore à améliorer le PACS. Ces sujets pourront être mieux abordés lors de l’examen du projet de loi relatif à la famille dont le Gouvernement a annoncé le dépôt d’ici à la fin de l’année.
 
Pour conclure, vous l’aurez compris, mes chers collègues, la commission des lois a souhaité que ce projet de loi important soit étudié dans les meilleures conditions possibles et fasse l’objet d’un examen sérieux en séance plénière, comme ce fut le cas en son sein.
 
Pour ma part, je le répète, je respecte toutes les opinions exprimées…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mais nous aussi !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. … dès lors qu’elles ne portent pas atteinte à la dignité des personnes, ce qui n’a pas toujours été le cas en dehors de cet hémicycle.
 
Par conviction, mais aussi par réalisme, je pense que le législateur doit prendre en considération l’évolution de la société en ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, mais aussi fixer des bornes aux possibilités extrêmes que la recherche médicale et la mondialisation offrent en matière de procréation. Les enfants qui sont nés ou qui naîtront grâce au recours à ces possibilités ne peuvent en être tenus pour responsables et ont droit, comme les autres, à la protection de la loi. C’est la raison pour laquelle, mesdames les ministres, je vous demande instamment de présenter rapidement un projet de loi sur la famille qui prenne en considération toutes ces exigences, notamment la prise en compte de la filiation sociale.
 
Comme nous l’a très bien dit Françoise Héritier, les sociétés ont toujours trouvé des compromis. Dans un article publié en 1989, Claude Lévi-Strauss nous guide dans cette exigence : « Le conflit entre parenté biologique et parenté sociale, qui embarrasse chez nous les juristes et les moralistes, n’existe donc pas dans les sociétés connues des ethnologues. Elles donnent la primauté au social sans que les deux aspects se heurtent dans l’idéologie du groupe ou dans la conscience de ses membres. »

M. François Rebsamen. Absolument !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Sous le bénéfice de ces observations, je vous prie, mes chers collègues, de bien vouloir adopter le projet de loi, tel que modifié par la commission des lois. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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