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jeudi 31 janvier 2013

Présentation de la motion par Laurent Wauquiez

M. Laurent Wauquiez.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre chargée de la famille, mesdames, messieurs les députés, avant de présenter la motion référendaire que nous avons signée, je voudrais revenir sur un certain nombre de propos.
 
Ici, dans cet hémicycle, madame la garde des sceaux, nous sommes tous des élus de la République. Il n’y a pas d’intolérants, pas d’hypocrites, pas d’égoïstes. Il n’y a pas d’un côté ceux qui sont dans la moralité et de l’autre ceux qui seraient contre. Surtout, il n’y a pas de place pour les anathèmes avec lesquels vous avez choisi de commencer l’examen de ce texte.
 
Ce débat n’est pas celui des modernes contre les anciens, ce n’est pas celui des tolérants contre les intolérants, ce n’est pas celui des visionnaires contre les réactionnaires. (« Si ! » sur les bancs du groupe SRC.)
 
Dans cet hémicycle, madame la garde des sceaux, je le répète, nous sommes tous des élus de la République…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Quelle République ? La IIIe, au XIXe siècle ?

M. Laurent Wauquiez.

…qui exprimons nos convictions sur un sujet de conscience pour lequel, contrairement à ce que vous avez voulu nous faire croire, les choses sont loin d’être claires et évidentes. Dans ce domaine, la part d’interrogation, au plus intime de chacun d’entre nous, doit être respectée par des propos autres que ceux que vous avez choisi de tenir dans votre premier discours.
 
Les nombreux députés qui ont signé cette motion en appellent à l’arbitrage du peuple par un référendum. Ils le font aussi parce que, par la litanie de vos attaques, vous avez transformé ce débat en une arène où la moindre voix dissonante est immédiatement caricaturée. Nous sommes convaincus que ce débat méritait mieux.
 
Je vous le dis simplement mais clairement : vous ne nous condamnerez pas au silence par vos brevets de bien-pensance ; vous ne condamnerez pas au silence les députés qui déposent cette motion (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) ; vous ne condamnerez pas au silence les millions de Français qui partagent nos inquiétudes et dont nous voulons qu’ils retrouvent la parole, par le référendum.

M. Bernard Roman. Mais nous ne vous avons pas entendu en commission ! Vous n’y étiez pas ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Laurent Wauquiez.

Depuis le début, le Président de la République – nous en avons encore une illustration –, le Gouvernement et la majorité se sont efforcés de faire taire ces voix dissonantes. Nous exprimions des craintes, nous étions des ringards. Nous avions des interrogations, nous aurions dû faire des efforts intellectuels pour nous rendre à l’évidence, monsieur le rapporteur. Nous avons manifesté, vous nous avez accusés – avec une élégance que l’on appréciera – de défiler contre l’amour.
 
Maintenant que le débat commence et que nous avons l’audace de défendre nos convictions, vous nous accusez d’obstruction. Songez donc : les députés de l’opposition ont déposé chacun en moyenne 30 amendements. Quelle obstruction ! Est-ce trop pour vous ? Ce débat sur un sujet aussi important ne durera que quelques jours. Est-ce trop long pour vous ? Votre capacité d’écoute et de dialogue est-elle donc si faible ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. M. Guaino a quitté l’hémicycle deux minutes après son intervention !

M. Laurent Wauquiez.

Les Français peuvent se demander pourquoi vous vous acharnez depuis tant de mois à vouloir faire taire, ainsi que le président Accoyer l’a souligné, les oppositions à cette loi. En réalité, vous cherchez à dissimuler la portée de ce que vous êtes en train de faire et les choix lourds que vous allez imposer dans la conception de la famille. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
 
Vous avez tout fait pour faire croire que ce projet de loi avait la vertu de l’évidence : il ne s’agirait que de lutter contre les discriminations ; on ne modifierait que quelques articles du code civil, rien de plus ; tout cela ne porterait que sur le mariage.

M. Jean-Christophe Cambadélis. Que ce discours est creux !

M. Laurent Wauquiez.

À ce sujet, je voudrais écarter un argument que vous avez instrumentalisé comme jamais, l’accusation d’homophobie. Nous sommes tous ici opposés aux discriminations, nous combattons les caricatures, d’où qu’elles viennent, et nos interrogations ne portent pas sur la reconnaissance et la place légitime qui doit être faite aux couples homosexuels dans la société française. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bruno Le Roux. Lisez vos amendements !

M. Laurent Wauquiez.

Il ne s’agit pas uniquement d’un jeu d’adultes.

M. Christian Jacob. Que la majorité écoute, elle s’instruira ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

M. le président. N’en rajoutez pas, monsieur Jacob, c’est suffisamment compliqué comme cela !

M. Laurent Wauquiez.

Pour beaucoup de personnes présentes ici, la préoccupation majeure, le sujet qui nous guide plus que tout autre, c’est la place de l’enfant dans la société. Ce projet de loi, madame la garde des sceaux, ne porte pas, loin s’en faut, sur le seul mariage.
 
Notre conception de la relation entre parents et enfants a été construite sur le modèle biologique de la procréation. Cette vision de la famille repose sur quelques convictions simples : la parentalité, c’est à la fois la paternité et la maternité ;…

M. Arnaud Leroy. Bravo !

M. Laurent Wauquiez.

…les données naturelles et notamment le sexe contribuent à constituer une identité ; l’enfant est un sujet et non un objet auquel chacun aurait droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
 
Dans ce que vous êtes en train de faire, contrairement à ce que vous avez tenté de démontrer hier, le plus important n’est pas le mariage mais la place que vous dévouez à l’enfant.
 
Vous nous avez accusés d’être égoïstes. Mais qui est égoïste, madame la garde des sceaux ? Ceux qui parlent d’un droit à l’enfant, comme vous, ou ceux qui défendent les droits de l’enfant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) De quel côté faut-il chercher l’égoïsme et l’individualisme ?
 
L’entreprise que vous commencez aujourd’hui est en réalité un ensemble. La loi que vous nous présentez n’est pas un point d’arrivée, mais un point de départ qui nous amène évidemment à la procréation médicalement assistée et à la gestation pour autrui.
 
On nous dit que ce n’est pas le sujet, que tout cela viendra dans une autre loi, que nous en débattrons plus tard. Ah bon ? Croyez-vous vraiment pouvoir abuser les Français ? Les bébés éprouvette et la location du ventre d’une mère sont évidemment les destinations vers lesquelles vous voulez nous emmener aujourd’hui.

Mme Joëlle Huillier. C’est faux !

M. Laurent Wauquiez.

Vous avez joué ces derniers mois avec l’opinion et avec les parlementaires. À vous écouter hier, il n’était même pas question d’adoption.
 
Et pourtant, la logique même de votre raisonnement vous porte jusqu’à ce point. Reprenons votre démonstration. Vous posez la liberté des adultes comme principe absolu. Vous considérez que les règles biologiques de la procréation sont source de discrimination. Vous faites évoluer les règles de l’adoption pour ouvrir le droit à l’enfant. La suite évidente de ce raisonnement est la procréation médicalement assistée, le passage, à terme, par les bébés éprouvette. Certains parmi vous ont d’ailleurs eu la franchise, hier, de l’admettre.
 
Dès lors, pourquoi s’arrêterait-on à la procréation médicalement assistée ? Comment expliquer, en vertu de votre raisonnement, que ce que vous accordez aux couples homosexuels féminins ne soit pas ouvert aussi aux couples homosexuels masculins ? La suite logique sera la gestation pour autrui, au nom précisément de votre conception de l’égalité et de la lutte contre les discriminations. Assumez au moins l’ensemble de votre pensée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
 
Ce n’est même pas la cohérence de votre pensée que nous vous reprochons, mais les efforts que vous faites pour la dissimuler dans les méandres de l’ambiguïté. Assumez au moins devant les Français l’ensemble du projet que vous cherchez à mener à bien !
 
Madame la garde des sceaux, pour reprendre les propos que vous avez tenus hier, qui est hypocrite ici ? Qui dissimule la vérité aux Français ? (« Vous ! » sur les bancs du groupe SRC.) Qui joue avec les convictions ? (« Vous ! » sur les bancs du groupe SRC.) Qui se drape dans la moralité pour cautionner une marchandisation du corps féminin qui n’a rien de moral ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
 
Oui, vous avez caché la réalité de votre projet. Alors que nous nous apprêtions à débattre d’une loi, vous faisiez passer à la sauvette une circulaire. Alors qu’ici, devant les députés, vous refusiez de donner votre position, on préparait discrètement dans les bureaux de votre ministère ce document. Alors que le Président de la République feignait d’émettre des réserves, vous ouvriez la voie pour la première fois en France à la reconnaissance de la marchandisation du corps. Au moins cette circulaire met-elle fin au jeu de dupes que vous avez pratiqué ! (Vives protestations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce ne sont que des mensonges ! C’est un scandale !

M. Bernard Roman. Du baratin !

M. le président. Vous aurez l’occasion de répondre ! Laissez parler l’orateur !

M. Laurent Wauquiez.

Il est surprenant de constater comme vous avez du mal à pratiquer l’écoute et à respecter la contradiction ! (Protestations sur les mêmes bancs.)

M. le président. Les orateurs des différents groupes pourront prendre la parole lors de l’explication de vote sur cette motion. Veuillez écouter l’orateur.

M. Laurent Wauquiez.

Quelle étonnante illustration de l’absence de sérénité dans laquelle vous cherchez à plonger l’hémicycle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
 
C’est bien de marchandisation du corps féminin qu’il est question. Vous ne voulez pas d’hypocrisie ? Très bien ! Mais alors, la vérité est brutale. Ce vers quoi nous nous dirigeons, c’est la possibilité pure et simple de louer le corps d’une femme pour obtenir un enfant. (Vives protestations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.) On utilise la femme, on lui fait porter un enfant, puis on le lui enlève et on la rémunère. Oui, on rémunère une femme dont le corps a été utilisé pour faire un enfant. Voilà ce vers quoi vous voulez diriger la société française. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marcel Rogemont. Ce n’est pas le sujet du texte !

M. Pascal Popelin. Lamentable.

M. Laurent Wauquiez.

Vous affirmez, madame la garde des sceaux, qu’il ne s’agit que de quelques cas. Même s’il ne s’agissait que d’un seul cas, ce chemin serait inacceptable car il est sans retour. Ce choix serait en rupture totale avec tous les principes de la dignité du corps humain, qui ont toujours été défendus par la République française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marcel Rogemont. Nous sommes contre la GPA !

M. Laurent Wauquiez.

Mesdames et messieurs les députés qui êtes attachés à la défense de la femme dans la société, comment pouvez-vous ainsi proposer de revenir des décennies en arrière ? C’est le travail patient de la République qui a permis de protéger progressivement le corps de la femme. Victor Hugo lui-même l’avait dénoncé avec la vigueur qu’on lui connaît : « Dans notre législation telle qu’elle est, la femme ne possède pas, elle n’este pas en justice, elle ne vote pas, elle ne compte pas, elle n’est pas. […] C’est là un état violent : il faut qu’il cesse. » Cet état avait cessé. Le travail patient de générations de républicains et de républicaines avait permis qu’il cesse. Depuis Olympe de Gouges jusqu’à Simone Veil, en passant par Hubertine Auclert, la République a progressivement trouvé les protections nécessaires.
 
Madame la garde des sceaux, vous avez voulu donner hier une leçon d’histoire du droit. Fort bien ! Mais comment avez-vous pu passer sous silence ce que sont aussi les grandes conquêtes législatives qui ont protégé la femme dans une société de la marchandisation ?

Mme Claude Greff. Très bien !

M. Laurent Wauquiez.

Comment avez-vous pu nier qu’au cœur de notre conception française de l’éthique il y a cette conviction simple que le corps humain ne se monnaye pas ? Nous n’avons jamais transigé sur cette règle, contrairement à d’autres pays, et je vous le dis fermement : les députés qui ont signé cette motion refusent que vous rameniez la République en arrière. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
 
Si nous demandons un référendum, c’est d’abord pour cela. Alors que vous essayez de tronçonnez votre projet en petits morceaux de lois séparés, nous demandons que, par un référendum, les Français puissent s’exprimer sur l’ensemble de votre projet de société, depuis le mariage jusqu’à la gestation pour autrui. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.) Le référendum vous obligera à la clarté là où vous cherchez à nous faire voter dans la pénombre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
 
De plus, le référendum est aujourd’hui la seule issue possible à cet affrontement. Je dis bien à cet affrontement car, au fond, c’est ce que l’on peut le plus vous reprocher : à aucun moment vous n’avez cherché à rassembler les Français. Or, sur un sujet de société comme celui-là, il y avait une autre voie, et vous auriez pu tenter de trouver les chemins de l’apaisement. Nous aurions pu nous retrouver autour d’une meilleure reconnaissance des droits des couples homosexuels, avec notamment la mise en place d’un contrat d’union civile.

Mme Claude Greff. Exactement !

M. Laurent Wauquiez.

Vous le savez, la République se grandit toujours de ces moments où elle cherche à dégager une position commune. Par le passé, nous en avons été capables…

M. Michel Lefait. Lors du Pacs !

M. Laurent Wauquiez.

Souvenez-vous des débats sur le voile à l’école ou sur la fin de vie. Nous avions eu alors des échanges constructifs…

M. Régis Juanico. Et le référendum sur les retraites ?

M. Laurent Wauquiez.

À travers une catharsis républicaine, nous étions parvenus à rapprocher les positions.
 
Mais, au lieu de cela, il n’y a pas eu de débats, il n’y a eu que des affrontements. Vous n’avez jamais cherché à faire dialoguer les points de vue. Vous n’avez pas organisé de grands échanges permettant de faire discuter les uns avec les autres.

M. Arnaud Leroy. Il fallait venir en commission !

M. Laurent Wauquiez.

Au lieu de cela – et c’est un choix profondément politicien –, vous avez abordé ce débat comme un rapport de force d’un camp contre un autre. Les questionnements ? Vous les avez balayés d’un revers de main. Les inquiétudes ? Vous y avez répondu par les insultes. Les doutes ? Vous n’avez jamais cherché à modifier en quoi que ce soit votre projet, imposé brutalement.

M. Michel Vergnier. Vous ne nous impressionnez pas !

M. Laurent Wauquiez.

La réalité, c’est que votre démarche s’inspire de la loi du plus fort, de la confrontation entre majorité et opposition, de la toute-puissance, pour reprendre l’expression de Tocqueville, que s’arrogent parfois les dépositaires du pouvoir. Mais c’est précisément parce que vous avez gagné les élections que vous aviez le devoir de rechercher un consensus et d’opter pour une autre démarche que celle que vous avez choisie.

M. Henri Emmanuelli. C’est ça !

M. Laurent Wauquiez.

Au lieu de cela, vous avez fait de cette loi l’otage de vos enjeux politiciens et l’arme de combat d’un camp contre un autre. Mais un débat de société comme celui-là méritait une autre approche. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
 
Vous avez laissé les inquiétudes se cristalliser. Vous avez laissé les crispations se renforcer. Vous avez fait le choix de monter une France contre une autre. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Ce faisant, vous avez pris le risque de semer derrière vous amertumes et rancœurs.
 
Il y a une seule façon de sortir de tout cela par le haut : c’est de redonner la parole aux Français. Il faut un référendum. Un changement de société aussi majeur ne peut résulter du seul rapport de force entre la majorité et l’opposition. C’est aux Français et à eux seuls de trancher ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
 
Le Président de la République est le garant de l’unité nationale ; qu’il assume donc ses responsabilités. Le référendum permettra à chaque Français de s’exprimer, au lieu d’avoir le sentiment d’être dépossédé de ce choix. C’est le seul moyen pour que la décision soit ensuite respectée par tous, au lieu de nous enfermer dans une de ces guerres intestines dont notre pays a trop souvent eu le secret.

M. Henri Emmanuelli. Grâce à vous !

M. Christian Hutin. Vous parlez de l’UMP !

M. Laurent Wauquiez.

Le référendum permettra que cette décision ne soit plus l’enjeu d’un combat politique et rendra possible son appropriation par tous les Français. Ce sera le verdict simple, clair, incontestable de la volonté collective, verdict auquel tous les Français pourront adhérer. C’est pour cette raison que nous vous demandons un référendum.
 
J’entends certains d’entre vous opposer démocratie représentative et démocratie référendaire. Cela n’a pas de sens. Nous sommes tous ici les dépositaires du suffrage universel. Mais sur un sujet qui relève à ce point-là de l’intime, il n’y a aucune honte, aucune abdication de notre part à rendre la décision au peuple souverain.
 
Surtout, comment pouvez-vous renier à ce point les convictions que vous défendiez il y a encore si peu de temps. Souvenez-vous, même si cela vous est désagréable, de votre projet socialiste 2012 : il prévoyait de rendre plus souple le recours au référendum, dont vous disiez qu’il était trop étroitement encadré. Jean-Marc Ayrault lui-même avait déposé une proposition de loi destinée à faciliter l’utilisation de l’article 11.

M. Jean-Christophe Cambadélis. Il fallait la voter !

M. Laurent Wauquiez.

Vous étiez fidèle en cela aux principes défendus par une des grandes personnalités de votre famille politique, François Mitterrand…

M. Henri Emmanuelli. Il était contre !

M. Laurent Wauquiez.

En 1988, dans sa Lettre à tous les Français, il indiquait, ne vous en déplaise, monsieur Emmanuelli : « J’ai souhaité naguère que les problèmes majeurs qui naissent de l’évolution de notre société puissent être tranchés par référendum. Je le souhaite toujours. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Comment pouvez-vous à ce point-là changer de discours ?

M. Bernard Roman. Il y a eu 1995 !

M. Laurent Wauquiez.

Pour nous expliquer que le référendum n’aurait pas sa place dans ce débat, vous invoquez des arguties juridiques : le sujet serait sociétal et non social – appréciez la nuance ! Mais il suffit de relire votre propre étude d’impact pour apprécier l’inanité de l’argument. Vous y avez en effet vous-mêmes listé toutes les conséquences sociales de votre loi : impact sur les successions, sur les accidents du travail, sur les pensions de retraite, sur les assurances et aussi sur les congés d’adoption. Et vous nous expliquez que cette loi ne rentrerait pas dans le champ social ? (Mêmes mouvements.)
 
Mais surtout, vous l’avez vous-même reconnu, monsieur le président de la commission des lois, qui peut croire un instant que le Conseil constitutionnel viendrait censurer la volonté du Président de la République de consulter les Français, alors que c’est l’esprit même de la Ve République ? Ce n’est donc pas sur le terrain juridique qu’il faut chercher les arguments s’opposant à un recours au référendum.
 
Est-ce donc sur le terrain politique ? Vous nous dites que les Français auraient acquiescé à cette loi en votant pour François Hollande. Mais à ce compte, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, retirons-nous sur la pointe des pieds de cet hémicycle, et laissons-le à la majorité, puisque nous sommes visiblement de trop ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Retirons-nous, puisque vous considérez que, par leur vote à l’élection présidentielle, les Français auraient confié un blanc-seing à la majorité pour tous ses projets ! Mais pensez-vous sérieusement que tous les Français qui ont voté pour François Hollande l’ont fait pour obtenir le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels ? Le contrat social qui se noue au moment de l’élection présidentielle est infiniment plus complexe que la vision simpliste que vous êtes en train de défendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
 
Cet argument, c’est la négation même de la démocratie. Non, mesdames et messieurs les députés de la majorité, l’exercice de la démocratie ne se pratique pas une fois tous les cinq ans, lors d’une seule élection !

M. Marcel Rogemont. La démocratie, c’est ici !

M. Laurent Wauquiez.

Oui, le débat est légitime sur chacun des projets que vous présentez, et les Français ne vous ont pas donné le droit de tout faire, ni surtout celui de tout défaire dans la société française ! (Mêmes mouvements.)
 
On nous explique enfin que le sujet – nous apprécierons – serait trop compliqué et que les Français ne seraient pas suffisamment éclairés pour se prononcer par référendum sur un tel sujet.

M. Bernard Roman. Qui a dit ça ?

M. Laurent Wauquiez.

Le président de la commission des lois, si vous l’aviez écouté !
 
Les Français ont pu s’exprimer par référendum sur un sujet aussi difficile que Maastricht, et vous comptez leur demander de se prononcer sur le cumul des mandats, mais ils ne pourraient pas s’exprimer sur le mariage et l’adoption par des couples homosexuels ? Mais dans quelle estime tenez-vous le peuple de France ?

M. Henri Emmanuelli. Ça suffit !

M. Laurent Wauquiez.

La vérité, c’est que vous vous grandiriez et que vous grandiriez la démocratie en consultant les Français sur un sujet aussi fondamental. Alors, pourquoi hésitez vous ? De quoi avez-vous peur ?

M. Jean-Pierre Door. Du peuple !

M. Laurent Wauquiez.

Vous avez peur du peuple ! Vous avez peur du verdict des Français. Vous préférez la facilité du passage en force brutal à la consultation indispensable et transparente de tous les Français. C’est cette peur qui vous guide, la peur du message que vous renverraient les Français sur un changement de société aussi fondamental que celui que vous êtes en train de proposer.
 
Vous avez d’ailleurs tellement peur de la diversité des opinions sur ces sujets que vous avez muselé vos propres collègues. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Dans notre groupe, Christian Jacob a veillé à ce que chacun puisse s’exprimer, tandis que, sur vos bancs, vous imposez la discipline de vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Chez nous, la diversité des opinions existe ; chez vous, vous menacez ceux qui osent exprimer leurs différences : est-ce cela votre conception d’un débat ?

Mme Claude Greff. C’est l’État PS !

M. Philippe Gosselin. Le Roux sectaire !

M. Laurent Wauquiez.

Mesdames et messieurs les députés, je voudrais, pour finir, revenir sur le sens de notre rôle politique. On veut nous expliquer que voter ce texte, c’est prendre le train de l’histoire, argument majeur et définitif qui voudrait condamner d’emblée toute discussion. Mais ce n’est pas comme cela que je conçois mon rôle. Notre rôle en tant qu’élus de la nation, ce n’est pas de répondre à une prétendue modernité que nous serions sommés de valider ; notre rôle, c’est de nous demander, chaque fois que la question se pose, si cette modernité est positive ou non, puis de réfléchir au modèle de société que nous souhaitons proposer à nos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Nous ne sommes pas de simples greffiers !

M. Laurent Wauquiez.

Non, madame la garde des sceaux, je ne crois pas qu’il y ait une évolution de société qui nous amène inéluctablement au projet que vous défendez. Je crois en revanche que ce que vous proposez marque une césure historique dans notre vision de la famille ; je crois que la société de demain ne ressemblera plus, avec votre projet, à celle d’aujourd’hui, et je suis loin d’être convaincu que cette société sera meilleure.
 
Si la modernité pour vous, c’est de parler d’un droit à l’enfant comme d’un objet, alors nous vous laissons cette modernité ; si la modernité pour vous, ce sont les bébés éprouvette, alors nous vous laissons cette modernité ; enfin, si la modernité pour vous, c’est de pouvoir louer le ventre d’une femme, alors oui, nous vous laissons aussi cette modernité ! (Vives exclamations et huées sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

M. Bruno Le Roux. C’est minable !

M. Laurent Wauquiez.

Nos convictions sont autres. Ces convictions, je vous demande de laisser les Français les exprimer. Et c’est au nom de ces convictions que nous demandons solennellement un référendum. (Mmes et MM. les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent.)

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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