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mercredi 30 janvier 2013

Catherine Lemorton (29 janvier)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales.

Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, la présentation et la discussion de ce projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe marque l’aboutissement d’un long combat destiné à faire reculer les préjugés et parfois les violences à l’encontre des homosexuels, donc d’un combat qui n’est pas sans lien avec la lutte en faveur du respect des libertés, de l’égalité des droits et de la fraternité, ces trois mots gravés dans la pierre des frontons de nos mairies.

M. Jacques Myard. Ça, c’est du pathos !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales.

Alors que ce débat ne fait que commencer, je souhaite qu’il se déroule de manière digne et que tous et toutes, ici, nous fassions preuve d’écoute et de respect, surtout de respect de ceux et celles qui attendent cette loi pour obtenir les mêmes droits que les autres. Comme moi, vous avez dû recevoir la charte pour un débat parlementaire respectueux que l’association SOS Homophobie a envoyé à chacun et chacune d’entre nous. Je vous lis les six engagements que comporte cette charte.

M. Marc Le Fur. Police de la pensée !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales.

Premièrement, « je considère que tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité, les homosexuel-le-s, bisexuel-le-s et trans ne faisant pas exception à cette règle ».
 
Deuxièmement, « je sais que les relations homosexuelles entre personnes majeures et consentantes sont légales. Je sais que l’homosexualité n’est ni une pathologie, ni une déviance, ni un trouble psychique, ni une affection : c’est une orientation sexuelle respectable, comme l’est l’hétérosexualité ».

M. Éric Woerth. Ça n’a rien à voir avec le sujet !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales.

Troisièmement, « compte tenu du principe de laïcité qui tient compte de la pluralité des religions et des convictions au sein de notre société, je sais que les règles d’une religion ne peuvent être invoquées pour s’opposer ou se soustraire aux règles de la République. Étant élu-e pour représenter et voter les lois d’une République laïque, je ne ferai pas primer un dogme religieux sur l’action politique ».
 
Quatrièmement, « je condamnerai fermement toute dévalorisation des personnes LGBT et de leur entourage, tout propos insultant, dégradant, blessant et tout amalgame entre homosexualité et pédophilie, zoophilie, polygamie, inceste ou tout autre crime ou délit ».
 
Cinquièmement, « quelle que soit ma position envers le projet de loi et le débat, j’affirme respecter les personnes quelle que soit leur orientation sexuelle, et je soutiens les personnes victimes d’homophobie ou de discriminations ».

M. Éric Woerth. Nous aussi ! Tout le monde !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales.

Sixièmement, « j’ai conscience que les injures et diffamations sont violentes et blessantes pour les personnes LGBT et je m’engage à tenir des propos mesurés et respectueux de toutes les citoyennes et tous les citoyens quelle que soit leur orientation sexuelle ».
 
En rappelant ces engagements, je souhaite insister sur la forme que doivent prendre nos débats et ne pas revivre ce qui s’est passé lors des débats au sein de la commission des affaires sociales, que je préside. Je veux parler de la sortie théâtrale d’un de nos collègues, jusqu’ici fort discret en commission, qui a entraîné derrière lui ses quelques collègues de groupe.
 
J’en profite pour saluer à nouveau l’attitude de notre collègue Arnaud Richard, membre du groupe UDI, qui, seul de l’opposition, est resté jusqu’à la fin du débat pour défendre ses amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et UDI.)
 
J’espère que le député que je n’ai pas nommé comprendra vite qu’il a été élu, comme nous tous et nous toutes, pour siéger aussi en commission, et que ce n’est pas parce qu’il voit ses deux premiers amendements repoussés qu’il doit quitter la salle. Le fait majoritaire est une réalité, mon cher collègue, et il faudra bien que vous vous en accommodiez ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) S’ils avaient eu la même attitude, les membres du groupe socialiste n’auraient pas siégé souvent en commission au cours de la précédente législature. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
 
Surtout, le procès en illégitimité du Parlement, qu’il a instruit dans cette commission, n’est pas acceptable. Le Président de la République avait inscrit cette réforme parmi ses soixante propositions – c’était la trente-et-unième – et nous, députés de la majorité, avons été élus pour mettre en œuvre cet engagement. Alors, au-delà de la querelle des chiffres sur les participants aux manifestations, il y a un chiffre qui est officiel, c’est celui des 18 millions de nos concitoyens qui ont voté François Hollande le 6 mai dernier et qui l’ont conforté en lui donnant une majorité parlementaire dans cet hémicycle, et, pendant quatre ans et demi, vous n’y pourrez rien ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Claude Goasguen. Laignel ! Reviens, Laignel !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales.

J’en viens maintenant au fond du débat pour répondre à certains des arguments avancés par les adversaires de ce projet. En surplomb de ces arguments, on entend l’invocation de la nature humaine et de ses exigences. L’on appelle à la rescousse l’anthropologie, alors que, s’il y a bien une réalité que cette science nous enseigne, c’est la pluralité, dans le temps et dans l’espace, des modèles familiaux. J’avoue ma perplexité et mes réticences à invoquer, dans ce débat comme dans d’autres, l’idée de nature. Je partage tout à fait ce qu’a écrit Mme Martine Chantecaille, enseignante en philosophie : « Quand bien même la nature serait l’origine de certaines situations, cela n’en fait pas pour autant le fondement que le droit devrait suivre […]. Le fondement du droit ne peut être la nature, au demeurant plus souvent fantasmée que réelle, mais bien plutôt l’idéal moral de l’égalité des êtres humains. »
 
Un autre des arguments avancés par les opposants à ce projet de loi est que nous ne ferions que légiférer pour une infime minorité de la population.

M. Claude Goasguen. C’est vrai !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales.

Or, ce qui importe, c’est que ce texte ne porte pas atteinte aux droits et aux intérêts de la majorité. L’ouverture du mariage homosexuel, cela a été dit, ne porte aucun préjudice aux couples déjà constitués ni aux futurs couples hétérosexuels.

M. Claude Goasguen. Vous avez mal lu Carbonnier !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales.

Autre argument fallacieux, ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe saperait les fondements du mariage et de la famille. Penser cela, c’est nier les évolutions à l’œuvre depuis des décennies, qui ont profondément modifié ces fondements. Aujourd’hui, le mariage n’est qu’une des façons de faire couple – il y en a plein d’autres – et cette façon de faire couple s’appuie avant tout sur la sincérité du sentiment entre deux êtres.
 
Certains prétendent que le but du mariage est d’abord et avant tout la fondation d’une famille. Pourtant, il n’est plus le seul instrument juridique pour fonder une famille. D’ailleurs, plus de la moitié des naissances dans notre pays – cela a été dit par Mme la ministre des familles – adviennent hors mariage.
 
Dernier argument que les adversaires du projet de loi espèrent imparable, en ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, nous porterions atteinte aux droits des enfants. C’est tout le contraire ! Ce projet de loi ne va pas créer des familles homoparentales ; tout le monde sait qu’elles existent déjà, depuis longtemps.

M. Jacques Myard. C’est pas une raison !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales.

Cela porte-t-il préjudice à ces enfants ou les met-il en danger ? Bien sûr que non, du moment qu’ils sont élevés dans l’amour par ces couples. Les enfants de ces familles ne sont ni plus ni moins épanouis ou équilibrés que les autres. Ce qui se révèle difficile à vivre pour ces familles, c’est quelque chose qui ne leur est pas imputable, c’est le regard que la société porte sur elle.
 
Sartre écrivait dans Huis clos : l’enfer, c’est les autres, c’est le regard que posent les autres. Alors, évitons d’être ces autres. Je crois profondément que le vote de ce projet de loi contribuera à faire évoluer dans le bon sens ce regard et à combattre les préjugés véhiculés par ses adversaires. En réfléchissant ces derniers jours à ce débat, je me demande si la société ne s’est pas profondément trompée dans son approche de l’homosexualité, je me demande si, lorsque celle-ci a été retirée de la liste des maladies mentales, il n’aurait pas fallu lui substituer l’homophobie.

Mme Sandrine Mazetier. Très bien !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales.

Je rappelle à ce sujet que bien avant l’OMS, la France avait retiré l’homosexualité de la catégorie des maladies psychiatriques. Cela a été fait par une majorité de gauche, et par la voix de Robert Badinter. Naturellement, personne ne se revendiquera homophobe dans cet hémicycle : je pars du principe que personne ici ne l’est. Mais il y en a à l’extérieur, nous le savons tous. Or si l’on s’interroge sur le sens du mot « phobie », quelles définitions en trouve-t-on ? En voici quelques-unes : en psychopathologie, le terme phobie – du grec ancien phobos – désigne un ensemble de souffrances psychiques et de troubles psychologiques axés sur un acte ou une entité extérieure capable de susciter une peur morbide et irrationnelle, hors de proportion par rapport au danger réel, une peur ou une aversion persistante et irrationnelle d’un objet ou d’une situation.

M. Jacques Myard. Ça, c’est votre définition !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales.

D’un objet ou d’une situation : ces mots sont importants. On peut avoir peur d’un objet ou d’un animal, comme les araignées ou les serpents, ou d’une situation, comme la foule ou, à l’inverse, les espaces confinés – c’est la claustrophobie. Quel sens cette peur a-t-elle quand elle porte sur des hommes ou des femmes que l’on croise chaque jour dans la rue, sans que rien ne permette de les distinguer de leurs semblables ? Être homophobe, c’est quelque part être un peu malade.
 
Il faut donc espérer que le vote de ce projet de loi, outre qu’il fera progresser l’égalité des droits et sécurisera ces couples, ces familles, aura quelques effets thérapeutiques sur un certain nombre de nos concitoyens frappés par cette homophobie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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