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jeudi 31 janvier 2013

MA Chapdelaine (30 janvier)

Mme Marie-Anne Chapdelaine.

Mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mesdames et messieurs les présidents, chers collègues, à ce stade de nos débats, il importe de mettre de côté les descriptions caricaturales des conséquences de ce projet de loi. Elles tomberont très vite aux oubliettes ! Revenons à l’essence même de notre réforme : l’égalité et la fraternité.
 
Mes chers collègues, pourquoi devons-nous légiférer ? Sans doute parce qu’il y a un besoin d’égalité entre les familles. Cette future loi mettra fin à des situations que nous refusons d’ignorer. Des dizaines de milliers d’enfants et de familles n’ont, dans notre République, ni statut ni protection. Elles n’ont pas de protection en cas de décès, ni en cas de séparation. Qui parmi nous accepterait cela pour lui-même et ses proches ? La souffrance de ces familles et des couples, à qui la société reconnaît une place sans que la loi le fasse, nous oblige à mener à bien ce projet. Nous voulons sortir de l’apesanteur juridique en protégeant ces familles sans statut.
 
Au nom de l’égalité, au nom de nos valeurs, nous voulons le bien-être et la protection des enfants et de leurs parents. Demain, nous permettrons à un enfant de porter le nom de ceux qui l’élèvent et qui l’accompagnent dans la construction de son histoire. Qu’apportons-nous donc de nouveau, de révolutionnaire, à la question du nom et de l’identité ? Rien, sinon la lumière sur cette évidence : c’est un devoir pour nous, pour l’État, de permettre à un enfant de faire de son parent social son parent réel.

M. Bernard Roman. Très bien !

Mme Marie-Anne Chapdelaine.

Le législateur l’avait anticipé, en 1972, par l’introduction dans la loi de la filiation par possession d’état. Il n’y a donc ici ni danger, ni révolution, mais simplement la continuité d’une lutte pour la justice et pour l’égalité. C’est un combat pour protéger ceux et celles qui sont aujourd’hui fragilisés.
 
Mes chers collègues, notre volonté de justice et ce besoin d’égalité seraient, paraît-il, anxiogènes. J’entends, études et recherches à l’appui, qu’un enfant qui serait élevé hors d’un couple hétérosexuel serait en danger. Il s’agit là d’une contrevérité ! Aucune étude ne le prouve, sans qu’une autre étude, aux résultats contraires, ne la contredise. Par exemple, sur quatre études menées au Canada en 2005, utilisant le même questionnaire et mesurant le bien-être des enfants à l’école, l’une en tire la conclusion que davantage de problèmes d’attention existent chez les enfants de mères lesbiennes, tandis que les trois autres, utilisant les mêmes ressources, prétendent le contraire. Le seul danger pour les familles et notre société, le risque premier dont nous devons nous préoccuper, c’est l’ignorance et la stigmatisation, la discrimination et l’inégalité dans l’accès aux droits.

M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois. Bravo !

Mme Marie-Anne Chapdelaine.

La possibilité d’entamer une procédure d’adoption, qu’elle soit simple, plénière ou conjointe, fait partie de ce combat pour l’égalité. J’y suis bien évidemment sensible, et je m’oppose à ceux qui prétendent qu’une telle possibilité serait dangereuse. Je m’oppose à ceux qui font semblant d’ignorer le processus long, contrôlé et sécurisé d’une demande d’adoption et qui alimentent les peurs et la division de notre société.
 
Oui, mes chers collègues, l’égalité ne saurait trouver sa place dans une société divisée. Nous construisons, ici, la fraternité d’aujourd’hui, en pensant que la reconnaissance en droit de chacun dans ses choix de vie est la meilleure garantie de l’épanouissement individuel et de l’épanouissement de la société. Personne n’a l’autorité suffisante pour confisquer une valeur aussi fondamentale que la famille. Personne ne peut prétendre avoir le monopole du cœur.
 
Nous construisons également la fraternité de demain, parce que la seule certitude, la seule garantie qui s’offre à chaque citoyen de sa naissance à sa mort, c’est que notre République s’engage à ses côtés pour sa protection, sa sécurité et son épanouissement. Si notre République manque à ce devoir, si nous laissons les liens parentaux se construire en dehors du cadre de la loi, alors nous rendrons des parents, des enfants et des familles vulnérables. Nous créerons, en conscience, de l’injustice.
 
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous avons une responsabilité : celle de ne pas batailler pour obtenir, demain, la société à laquelle chacun de nous aspire individuellement, mais celle à laquelle chacun de nous aspire collectivement. Par collectivement, j’entends celle que nous avons à définir ensemble. Ce doit être une construction solide pour résister aux égoïsmes et aux passions individuelles. À ce titre, les enfants méritent que la société les protège et les accompagne dans leur construction physique et morale. Cela vaut quelle que soit leur naissance et quels que soient les choix personnels de leurs parents.
 
Le bon sens, la raison et l’intelligence nous conduisent à cette loi. C’est une loi protectrice, animée par notre aspiration à l’égalité, et nourrie par nos valeurs républicaines. C’est une loi juste, fraternelle et protectrice. Soyons dignes de ce pays, un pays qui a choisi le changement, un pays qui attend le souffle du printemps pour se réinventer, le printemps des droits, comme l’a dit si justement Bruno Le Roux, président du groupe SRC. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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