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Les débats à l’Assemblée nationale

  • Présentation de la motion par Laurent Wauquiez

    31 janvier 2013

    M. Laurent Wauquiez.

    Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre chargée de la famille, mesdames, messieurs les députés, avant de présenter la motion référendaire que nous avons signée, je voudrais revenir sur un certain nombre de propos.
     
    Ici, dans cet hémicycle, madame la garde des sceaux, nous sommes tous des élus de la République. Il n’y a pas d’intolérants, pas d’hypocrites, pas d’égoïstes. Il n’y a pas d’un côté ceux qui sont dans la moralité et de l’autre ceux qui seraient contre. Surtout, il n’y a pas de place pour les anathèmes avec lesquels vous avez choisi de commencer l’examen de ce texte.
     
    Ce débat n’est pas celui des modernes contre les anciens, ce n’est pas celui des tolérants contre les intolérants, ce n’est pas celui des visionnaires contre les réactionnaires. (« Si ! » sur les bancs du groupe SRC.)
     
    Dans cet hémicycle, madame la garde des sceaux, je le répète, nous sommes tous des élus de la République…

    Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Quelle République ? La IIIe, au XIXe siècle ?

    M. Laurent Wauquiez.

    …qui exprimons nos convictions sur un sujet de conscience pour lequel, contrairement à ce que vous avez voulu nous faire croire, les choses sont loin d’être claires et évidentes. Dans ce domaine, la part d’interrogation, au plus intime de chacun d’entre nous, doit être respectée par des propos autres que ceux que vous avez choisi de tenir dans votre premier discours.
     
    Les nombreux députés qui ont signé cette motion en appellent à l’arbitrage du peuple par un référendum. Ils le font aussi parce que, par la litanie de vos attaques, vous avez transformé ce débat en une arène où la moindre voix dissonante est immédiatement caricaturée. Nous sommes convaincus que ce débat méritait mieux.
     
    Je vous le dis simplement mais clairement : vous ne nous condamnerez pas au silence par vos brevets de bien-pensance ; vous ne condamnerez pas au silence les députés qui déposent cette motion (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) ; vous ne condamnerez pas au silence les millions de Français qui partagent nos inquiétudes et dont nous voulons qu’ils retrouvent la parole, par le référendum.

    M. Bernard Roman. Mais nous ne vous avons pas entendu en commission ! Vous n’y étiez pas ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Laurent Wauquiez.

    Depuis le début, le Président de la République – nous en avons encore une illustration –, le Gouvernement et la majorité se sont efforcés de faire taire ces voix dissonantes. Nous exprimions des craintes, nous étions des ringards. Nous avions des interrogations, nous aurions dû faire des efforts intellectuels pour nous rendre à l’évidence, monsieur le rapporteur. Nous avons manifesté, vous nous avez accusés – avec une élégance que l’on appréciera – de défiler contre l’amour.
     
    Maintenant que le débat commence et que nous avons l’audace de défendre nos convictions, vous nous accusez d’obstruction. Songez donc : les députés de l’opposition ont déposé chacun en moyenne 30 amendements. Quelle obstruction ! Est-ce trop pour vous ? Ce débat sur un sujet aussi important ne durera que quelques jours. Est-ce trop long pour vous ? Votre capacité d’écoute et de dialogue est-elle donc si faible ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. M. Guaino a quitté l’hémicycle deux minutes après son intervention !

    M. Laurent Wauquiez.

    Les Français peuvent se demander pourquoi vous vous acharnez depuis tant de mois à vouloir faire taire, ainsi que le président Accoyer l’a souligné, les oppositions à cette loi. En réalité, vous cherchez à dissimuler la portée de ce que vous êtes en train de faire et les choix lourds que vous allez imposer dans la conception de la famille. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
     
    Vous avez tout fait pour faire croire que ce projet de loi avait la vertu de l’évidence : il ne s’agirait que de lutter contre les discriminations ; on ne modifierait que quelques articles du code civil, rien de plus ; tout cela ne porterait que sur le mariage.

    M. Jean-Christophe Cambadélis. Que ce discours est creux !

    M. Laurent Wauquiez.

    À ce sujet, je voudrais écarter un argument que vous avez instrumentalisé comme jamais, l’accusation d’homophobie. Nous sommes tous ici opposés aux discriminations, nous combattons les caricatures, d’où qu’elles viennent, et nos interrogations ne portent pas sur la reconnaissance et la place légitime qui doit être faite aux couples homosexuels dans la société française. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Bruno Le Roux. Lisez vos amendements !

    M. Laurent Wauquiez.

    Il ne s’agit pas uniquement d’un jeu d’adultes.

    M. Christian Jacob. Que la majorité écoute, elle s’instruira ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

    M. le président. N’en rajoutez pas, monsieur Jacob, c’est suffisamment compliqué comme cela !

    M. Laurent Wauquiez.

    Pour beaucoup de personnes présentes ici, la préoccupation majeure, le sujet qui nous guide plus que tout autre, c’est la place de l’enfant dans la société. Ce projet de loi, madame la garde des sceaux, ne porte pas, loin s’en faut, sur le seul mariage.
     
    Notre conception de la relation entre parents et enfants a été construite sur le modèle biologique de la procréation. Cette vision de la famille repose sur quelques convictions simples : la parentalité, c’est à la fois la paternité et la maternité ;…

    M. Arnaud Leroy. Bravo !

    M. Laurent Wauquiez.

    …les données naturelles et notamment le sexe contribuent à constituer une identité ; l’enfant est un sujet et non un objet auquel chacun aurait droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
     
    Dans ce que vous êtes en train de faire, contrairement à ce que vous avez tenté de démontrer hier, le plus important n’est pas le mariage mais la place que vous dévouez à l’enfant.
     
    Vous nous avez accusés d’être égoïstes. Mais qui est égoïste, madame la garde des sceaux ? Ceux qui parlent d’un droit à l’enfant, comme vous, ou ceux qui défendent les droits de l’enfant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) De quel côté faut-il chercher l’égoïsme et l’individualisme ?
     
    L’entreprise que vous commencez aujourd’hui est en réalité un ensemble. La loi que vous nous présentez n’est pas un point d’arrivée, mais un point de départ qui nous amène évidemment à la procréation médicalement assistée et à la gestation pour autrui.
     
    On nous dit que ce n’est pas le sujet, que tout cela viendra dans une autre loi, que nous en débattrons plus tard. Ah bon ? Croyez-vous vraiment pouvoir abuser les Français ? Les bébés éprouvette et la location du ventre d’une mère sont évidemment les destinations vers lesquelles vous voulez nous emmener aujourd’hui.

    Mme Joëlle Huillier. C’est faux !

    M. Laurent Wauquiez.

    Vous avez joué ces derniers mois avec l’opinion et avec les parlementaires. À vous écouter hier, il n’était même pas question d’adoption.
     
    Et pourtant, la logique même de votre raisonnement vous porte jusqu’à ce point. Reprenons votre démonstration. Vous posez la liberté des adultes comme principe absolu. Vous considérez que les règles biologiques de la procréation sont source de discrimination. Vous faites évoluer les règles de l’adoption pour ouvrir le droit à l’enfant. La suite évidente de ce raisonnement est la procréation médicalement assistée, le passage, à terme, par les bébés éprouvette. Certains parmi vous ont d’ailleurs eu la franchise, hier, de l’admettre.
     
    Dès lors, pourquoi s’arrêterait-on à la procréation médicalement assistée ? Comment expliquer, en vertu de votre raisonnement, que ce que vous accordez aux couples homosexuels féminins ne soit pas ouvert aussi aux couples homosexuels masculins ? La suite logique sera la gestation pour autrui, au nom précisément de votre conception de l’égalité et de la lutte contre les discriminations. Assumez au moins l’ensemble de votre pensée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
     
    Ce n’est même pas la cohérence de votre pensée que nous vous reprochons, mais les efforts que vous faites pour la dissimuler dans les méandres de l’ambiguïté. Assumez au moins devant les Français l’ensemble du projet que vous cherchez à mener à bien !
     
    Madame la garde des sceaux, pour reprendre les propos que vous avez tenus hier, qui est hypocrite ici ? Qui dissimule la vérité aux Français ? (« Vous ! » sur les bancs du groupe SRC.) Qui joue avec les convictions ? (« Vous ! » sur les bancs du groupe SRC.) Qui se drape dans la moralité pour cautionner une marchandisation du corps féminin qui n’a rien de moral ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
     
    Oui, vous avez caché la réalité de votre projet. Alors que nous nous apprêtions à débattre d’une loi, vous faisiez passer à la sauvette une circulaire. Alors qu’ici, devant les députés, vous refusiez de donner votre position, on préparait discrètement dans les bureaux de votre ministère ce document. Alors que le Président de la République feignait d’émettre des réserves, vous ouvriez la voie pour la première fois en France à la reconnaissance de la marchandisation du corps. Au moins cette circulaire met-elle fin au jeu de dupes que vous avez pratiqué ! (Vives protestations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce ne sont que des mensonges ! C’est un scandale !

    M. Bernard Roman. Du baratin !

    M. le président. Vous aurez l’occasion de répondre ! Laissez parler l’orateur !

    M. Laurent Wauquiez.

    Il est surprenant de constater comme vous avez du mal à pratiquer l’écoute et à respecter la contradiction ! (Protestations sur les mêmes bancs.)

    M. le président. Les orateurs des différents groupes pourront prendre la parole lors de l’explication de vote sur cette motion. Veuillez écouter l’orateur.

    M. Laurent Wauquiez.

    Quelle étonnante illustration de l’absence de sérénité dans laquelle vous cherchez à plonger l’hémicycle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
     
    C’est bien de marchandisation du corps féminin qu’il est question. Vous ne voulez pas d’hypocrisie ? Très bien ! Mais alors, la vérité est brutale. Ce vers quoi nous nous dirigeons, c’est la possibilité pure et simple de louer le corps d’une femme pour obtenir un enfant. (Vives protestations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.) On utilise la femme, on lui fait porter un enfant, puis on le lui enlève et on la rémunère. Oui, on rémunère une femme dont le corps a été utilisé pour faire un enfant. Voilà ce vers quoi vous voulez diriger la société française. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Marcel Rogemont. Ce n’est pas le sujet du texte !

    M. Pascal Popelin. Lamentable.

    M. Laurent Wauquiez.

    Vous affirmez, madame la garde des sceaux, qu’il ne s’agit que de quelques cas. Même s’il ne s’agissait que d’un seul cas, ce chemin serait inacceptable car il est sans retour. Ce choix serait en rupture totale avec tous les principes de la dignité du corps humain, qui ont toujours été défendus par la République française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Marcel Rogemont. Nous sommes contre la GPA !

    M. Laurent Wauquiez.

    Mesdames et messieurs les députés qui êtes attachés à la défense de la femme dans la société, comment pouvez-vous ainsi proposer de revenir des décennies en arrière ? C’est le travail patient de la République qui a permis de protéger progressivement le corps de la femme. Victor Hugo lui-même l’avait dénoncé avec la vigueur qu’on lui connaît : « Dans notre législation telle qu’elle est, la femme ne possède pas, elle n’este pas en justice, elle ne vote pas, elle ne compte pas, elle n’est pas. […] C’est là un état violent : il faut qu’il cesse. » Cet état avait cessé. Le travail patient de générations de républicains et de républicaines avait permis qu’il cesse. Depuis Olympe de Gouges jusqu’à Simone Veil, en passant par Hubertine Auclert, la République a progressivement trouvé les protections nécessaires.
     
    Madame la garde des sceaux, vous avez voulu donner hier une leçon d’histoire du droit. Fort bien ! Mais comment avez-vous pu passer sous silence ce que sont aussi les grandes conquêtes législatives qui ont protégé la femme dans une société de la marchandisation ?

    Mme Claude Greff. Très bien !

    M. Laurent Wauquiez.

    Comment avez-vous pu nier qu’au cœur de notre conception française de l’éthique il y a cette conviction simple que le corps humain ne se monnaye pas ? Nous n’avons jamais transigé sur cette règle, contrairement à d’autres pays, et je vous le dis fermement : les députés qui ont signé cette motion refusent que vous rameniez la République en arrière. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
     
    Si nous demandons un référendum, c’est d’abord pour cela. Alors que vous essayez de tronçonnez votre projet en petits morceaux de lois séparés, nous demandons que, par un référendum, les Français puissent s’exprimer sur l’ensemble de votre projet de société, depuis le mariage jusqu’à la gestation pour autrui. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.) Le référendum vous obligera à la clarté là où vous cherchez à nous faire voter dans la pénombre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
     
    De plus, le référendum est aujourd’hui la seule issue possible à cet affrontement. Je dis bien à cet affrontement car, au fond, c’est ce que l’on peut le plus vous reprocher : à aucun moment vous n’avez cherché à rassembler les Français. Or, sur un sujet de société comme celui-là, il y avait une autre voie, et vous auriez pu tenter de trouver les chemins de l’apaisement. Nous aurions pu nous retrouver autour d’une meilleure reconnaissance des droits des couples homosexuels, avec notamment la mise en place d’un contrat d’union civile.

    Mme Claude Greff. Exactement !

    M. Laurent Wauquiez.

    Vous le savez, la République se grandit toujours de ces moments où elle cherche à dégager une position commune. Par le passé, nous en avons été capables…

    M. Michel Lefait. Lors du Pacs !

    M. Laurent Wauquiez.

    Souvenez-vous des débats sur le voile à l’école ou sur la fin de vie. Nous avions eu alors des échanges constructifs…

    M. Régis Juanico. Et le référendum sur les retraites ?

    M. Laurent Wauquiez.

    À travers une catharsis républicaine, nous étions parvenus à rapprocher les positions.
     
    Mais, au lieu de cela, il n’y a pas eu de débats, il n’y a eu que des affrontements. Vous n’avez jamais cherché à faire dialoguer les points de vue. Vous n’avez pas organisé de grands échanges permettant de faire discuter les uns avec les autres.

    M. Arnaud Leroy. Il fallait venir en commission !

    M. Laurent Wauquiez.

    Au lieu de cela – et c’est un choix profondément politicien –, vous avez abordé ce débat comme un rapport de force d’un camp contre un autre. Les questionnements ? Vous les avez balayés d’un revers de main. Les inquiétudes ? Vous y avez répondu par les insultes. Les doutes ? Vous n’avez jamais cherché à modifier en quoi que ce soit votre projet, imposé brutalement.

    M. Michel Vergnier. Vous ne nous impressionnez pas !

    M. Laurent Wauquiez.

    La réalité, c’est que votre démarche s’inspire de la loi du plus fort, de la confrontation entre majorité et opposition, de la toute-puissance, pour reprendre l’expression de Tocqueville, que s’arrogent parfois les dépositaires du pouvoir. Mais c’est précisément parce que vous avez gagné les élections que vous aviez le devoir de rechercher un consensus et d’opter pour une autre démarche que celle que vous avez choisie.

    M. Henri Emmanuelli. C’est ça !

    M. Laurent Wauquiez.

    Au lieu de cela, vous avez fait de cette loi l’otage de vos enjeux politiciens et l’arme de combat d’un camp contre un autre. Mais un débat de société comme celui-là méritait une autre approche. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
     
    Vous avez laissé les inquiétudes se cristalliser. Vous avez laissé les crispations se renforcer. Vous avez fait le choix de monter une France contre une autre. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Ce faisant, vous avez pris le risque de semer derrière vous amertumes et rancœurs.
     
    Il y a une seule façon de sortir de tout cela par le haut : c’est de redonner la parole aux Français. Il faut un référendum. Un changement de société aussi majeur ne peut résulter du seul rapport de force entre la majorité et l’opposition. C’est aux Français et à eux seuls de trancher ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
     
    Le Président de la République est le garant de l’unité nationale ; qu’il assume donc ses responsabilités. Le référendum permettra à chaque Français de s’exprimer, au lieu d’avoir le sentiment d’être dépossédé de ce choix. C’est le seul moyen pour que la décision soit ensuite respectée par tous, au lieu de nous enfermer dans une de ces guerres intestines dont notre pays a trop souvent eu le secret.

    M. Henri Emmanuelli. Grâce à vous !

    M. Christian Hutin. Vous parlez de l’UMP !

    M. Laurent Wauquiez.

    Le référendum permettra que cette décision ne soit plus l’enjeu d’un combat politique et rendra possible son appropriation par tous les Français. Ce sera le verdict simple, clair, incontestable de la volonté collective, verdict auquel tous les Français pourront adhérer. C’est pour cette raison que nous vous demandons un référendum.
     
    J’entends certains d’entre vous opposer démocratie représentative et démocratie référendaire. Cela n’a pas de sens. Nous sommes tous ici les dépositaires du suffrage universel. Mais sur un sujet qui relève à ce point-là de l’intime, il n’y a aucune honte, aucune abdication de notre part à rendre la décision au peuple souverain.
     
    Surtout, comment pouvez-vous renier à ce point les convictions que vous défendiez il y a encore si peu de temps. Souvenez-vous, même si cela vous est désagréable, de votre projet socialiste 2012 : il prévoyait de rendre plus souple le recours au référendum, dont vous disiez qu’il était trop étroitement encadré. Jean-Marc Ayrault lui-même avait déposé une proposition de loi destinée à faciliter l’utilisation de l’article 11.

    M. Jean-Christophe Cambadélis. Il fallait la voter !

    M. Laurent Wauquiez.

    Vous étiez fidèle en cela aux principes défendus par une des grandes personnalités de votre famille politique, François Mitterrand…

    M. Henri Emmanuelli. Il était contre !

    M. Laurent Wauquiez.

    En 1988, dans sa Lettre à tous les Français, il indiquait, ne vous en déplaise, monsieur Emmanuelli : « J’ai souhaité naguère que les problèmes majeurs qui naissent de l’évolution de notre société puissent être tranchés par référendum. Je le souhaite toujours. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Comment pouvez-vous à ce point-là changer de discours ?

    M. Bernard Roman. Il y a eu 1995 !

    M. Laurent Wauquiez.

    Pour nous expliquer que le référendum n’aurait pas sa place dans ce débat, vous invoquez des arguties juridiques : le sujet serait sociétal et non social – appréciez la nuance ! Mais il suffit de relire votre propre étude d’impact pour apprécier l’inanité de l’argument. Vous y avez en effet vous-mêmes listé toutes les conséquences sociales de votre loi : impact sur les successions, sur les accidents du travail, sur les pensions de retraite, sur les assurances et aussi sur les congés d’adoption. Et vous nous expliquez que cette loi ne rentrerait pas dans le champ social ? (Mêmes mouvements.)
     
    Mais surtout, vous l’avez vous-même reconnu, monsieur le président de la commission des lois, qui peut croire un instant que le Conseil constitutionnel viendrait censurer la volonté du Président de la République de consulter les Français, alors que c’est l’esprit même de la Ve République ? Ce n’est donc pas sur le terrain juridique qu’il faut chercher les arguments s’opposant à un recours au référendum.
     
    Est-ce donc sur le terrain politique ? Vous nous dites que les Français auraient acquiescé à cette loi en votant pour François Hollande. Mais à ce compte, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, retirons-nous sur la pointe des pieds de cet hémicycle, et laissons-le à la majorité, puisque nous sommes visiblement de trop ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Retirons-nous, puisque vous considérez que, par leur vote à l’élection présidentielle, les Français auraient confié un blanc-seing à la majorité pour tous ses projets ! Mais pensez-vous sérieusement que tous les Français qui ont voté pour François Hollande l’ont fait pour obtenir le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels ? Le contrat social qui se noue au moment de l’élection présidentielle est infiniment plus complexe que la vision simpliste que vous êtes en train de défendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
     
    Cet argument, c’est la négation même de la démocratie. Non, mesdames et messieurs les députés de la majorité, l’exercice de la démocratie ne se pratique pas une fois tous les cinq ans, lors d’une seule élection !

    M. Marcel Rogemont. La démocratie, c’est ici !

    M. Laurent Wauquiez.

    Oui, le débat est légitime sur chacun des projets que vous présentez, et les Français ne vous ont pas donné le droit de tout faire, ni surtout celui de tout défaire dans la société française ! (Mêmes mouvements.)
     
    On nous explique enfin que le sujet – nous apprécierons – serait trop compliqué et que les Français ne seraient pas suffisamment éclairés pour se prononcer par référendum sur un tel sujet.

    M. Bernard Roman. Qui a dit ça ?

    M. Laurent Wauquiez.

    Le président de la commission des lois, si vous l’aviez écouté !
     
    Les Français ont pu s’exprimer par référendum sur un sujet aussi difficile que Maastricht, et vous comptez leur demander de se prononcer sur le cumul des mandats, mais ils ne pourraient pas s’exprimer sur le mariage et l’adoption par des couples homosexuels ? Mais dans quelle estime tenez-vous le peuple de France ?

    M. Henri Emmanuelli. Ça suffit !

    M. Laurent Wauquiez.

    La vérité, c’est que vous vous grandiriez et que vous grandiriez la démocratie en consultant les Français sur un sujet aussi fondamental. Alors, pourquoi hésitez vous ? De quoi avez-vous peur ?

    M. Jean-Pierre Door. Du peuple !

    M. Laurent Wauquiez.

    Vous avez peur du peuple ! Vous avez peur du verdict des Français. Vous préférez la facilité du passage en force brutal à la consultation indispensable et transparente de tous les Français. C’est cette peur qui vous guide, la peur du message que vous renverraient les Français sur un changement de société aussi fondamental que celui que vous êtes en train de proposer.
     
    Vous avez d’ailleurs tellement peur de la diversité des opinions sur ces sujets que vous avez muselé vos propres collègues. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Dans notre groupe, Christian Jacob a veillé à ce que chacun puisse s’exprimer, tandis que, sur vos bancs, vous imposez la discipline de vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Chez nous, la diversité des opinions existe ; chez vous, vous menacez ceux qui osent exprimer leurs différences : est-ce cela votre conception d’un débat ?

    Mme Claude Greff. C’est l’État PS !

    M. Philippe Gosselin. Le Roux sectaire !

    M. Laurent Wauquiez.

    Mesdames et messieurs les députés, je voudrais, pour finir, revenir sur le sens de notre rôle politique. On veut nous expliquer que voter ce texte, c’est prendre le train de l’histoire, argument majeur et définitif qui voudrait condamner d’emblée toute discussion. Mais ce n’est pas comme cela que je conçois mon rôle. Notre rôle en tant qu’élus de la nation, ce n’est pas de répondre à une prétendue modernité que nous serions sommés de valider ; notre rôle, c’est de nous demander, chaque fois que la question se pose, si cette modernité est positive ou non, puis de réfléchir au modèle de société que nous souhaitons proposer à nos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. Nous ne sommes pas de simples greffiers !

    M. Laurent Wauquiez.

    Non, madame la garde des sceaux, je ne crois pas qu’il y ait une évolution de société qui nous amène inéluctablement au projet que vous défendez. Je crois en revanche que ce que vous proposez marque une césure historique dans notre vision de la famille ; je crois que la société de demain ne ressemblera plus, avec votre projet, à celle d’aujourd’hui, et je suis loin d’être convaincu que cette société sera meilleure.
     
    Si la modernité pour vous, c’est de parler d’un droit à l’enfant comme d’un objet, alors nous vous laissons cette modernité ; si la modernité pour vous, ce sont les bébés éprouvette, alors nous vous laissons cette modernité ; enfin, si la modernité pour vous, c’est de pouvoir louer le ventre d’une femme, alors oui, nous vous laissons aussi cette modernité ! (Vives exclamations et huées sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

    M. Bruno Le Roux. C’est minable !

    M. Laurent Wauquiez.

    Nos convictions sont autres. Ces convictions, je vous demande de laisser les Français les exprimer. Et c’est au nom de ces convictions que nous demandons solennellement un référendum. (Mmes et MM. les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent.)
  • Réponse de Dominique Bertinotti

    31 janvier 2013

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille.

    Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, ce n’est pas une ministre terrorisée qui vous répond et je n’ai pas le sentiment que Mme Taubira le soit, non plus que les députés sur les bancs de la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
     
    Les questions soulevées par M. Wauquiez ont au moins eu le mérite de faire émerger un consensus formidable : je n’ai jamais vu un tel hymne d’amour pour les homosexuels ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. C’est minable !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.

    Vous les aimez tellement que vous voulez pour eux un contrat d’union civile. Or le contrat d’union civile est une proposition de loi de 1992, présentée par Jean-Pierre Michel et Jean-Michel Belorgey. Il vous faut vingt ans pour y arriver. Nous allons beaucoup plus vite que vous, en effet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
     
    Venons-en au référendum. Vous appelez à la tolérance mais la première des tolérances serait de respecter les 18 millions de voix qui se sont portées sur François Hollande le 6 mai, de respecter les millions de voix qui ont permis d’élire cette majorité. C’est cela aussi, le respect du peuple !

    M. Michel Herbillon. Nous devrions nous excuser d’être là, n’est-ce pas ?

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.

    C’est aussi le respect non pas d’une promesse, comme M. Bernard Accoyer l’a dit, mais d’un engagement, le trente-et-unième, qui faisait partie des soixante engagements de François Hollande, et je tiens à vous en rappeler le contenu : l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe. Ce projet de la loi ne porte que sur l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe, ne vous en déplaise. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Philippe Gosselin. Il nous en déplaît !

    M. le président. Veuillez écouter Mme la ministre, s’il vous plaît.

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.

    Le champ de l’article 11 de notre Constitution ne nous permet pas de soumettre ce type de question au référendum. Vous pouvez très bien parler d’argutie juridique, MM. Guy Carcassonne et Didier Maus apprécieront.
     
    Il n’en reste pas moins vrai que si vous aviez voulu que le référendum puisse porter sur ce type de question, vous seriez allés jusqu’au bout de la révision constitutionnelle de 2008 qui instituait un référendum d’initiative populaire, en prenant des mesures pour que la loi organique soit votée, et cette discussion n’aurait pas eu lieu.
     
    On voit bien de quelle façon vous cherchez à éluder le débat.
     
    En effet, le champ de l’article 11 n’ouvre pas cette possibilité et je rappellerai les propos d’un ancien garde des sceaux, Jacques Toubon : « En limitant l’extension du champ référendaire aux matières économiques et sociales, le Gouvernement a choisi d’exclure les sujets touchant à la souveraineté, comme la défense ou la justice, ou ce qu’il est convenu d’appeler les questions de société avec les libertés publiques, le droit pénal, ou encore les lois de finances, dont l’examen relève des prérogatives traditionnelles du Parlement. Il doit donc être clair qu’il ne saurait y avoir de référendum sur des sujets comme la peine de mort, la repénalisation de l’avortement ou l’expulsion des immigrants clandestins, le référendum n’étant pas et ne devant pas être un instrument de démagogie ». (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)
     
    Et de citer les exemples suivants quant au champ du référendum : en matière économique, les privatisations, le plan ou les lois d’orientation pluriannuelles, et, dans le domaine social, les orientations générales du droit du travail, de la sécurité sociale, de la politique de santé, l’exclusion ou l’aide sociale.

    M. Michel Herbillon. Vous avez peur du peuple !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.

    Se retrouvent en revanche exclus du nouveau champ d’application le droit pénal, l’entrée et le séjour des étrangers en France, les libertés publiques, les prérogatives de police, la politique étrangère, la défense, la justice et le droit civil.

    M. Jacques Myard. Mais non !

    Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.

    Les deux motions que vous avez présentées hier ne sont, comme celle d’aujourd’hui, qu’un prétexte pour essayer d’enliser le débat sans le porter sur le contenu même du texte dont je répète qu’il ne concerne que l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)
  • Réponse de Christiane Taubira

    31 janvier 2013

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice.

    Mme la ministre chargée de la famille vient de répondre aux questions d’ordre constitutionnel mais vous connaissez déjà parfaitement tout cela. Vous vous réclamez volontiers d’un courant de pensée politique qui a considéré le référendum comme un instrument de recours au peuple, mais en en définissant précisément le champ d’application. Je ne m’appesantirai pas sur la question.
     
    Vous connaissez aussi la tradition philosophique du droit français qui relève de Rousseau, avec le recours à la souveraineté populaire, mais aussi de Montesquieu, avec la démocratie représentative. Vous savez parfaitement que, dans l’histoire du droit et dans l’histoire des grandes politiques publiques, cette double filiation philosophique a toujours été respectée.
     
    Je m’arrêterai très brièvement sur les propos de M. Wauquiez et le réquisitoire qu’il a essayé de dresser contre moi y compris ad hominem, en m’attribuant des propos que je n’ai jamais tenus. Tout cela n’est pas très important et se reproduira sans doute fréquemment ces deux prochaines semaines. Je n’y répondrai pas forcément.
     
    Pourquoi parlez-vous, à propos de la circulaire de ce matin, de circulaire en catimini ? Les circulaires ne sont jamais des documents classés secret-défense, elles sont toujours publiées au Bulletin officiel. Par ailleurs, j’en ai fait état le 16 janvier devant la commission des lois (« Non, non ! » sur les bancs du groupe UMP) et mon audition a été retransmise en direct, notamment sur la chaîne parlementaire. En tout état de cause, le procès-verbal fera foi si c’est nécessaire.
     
    Que dit cette circulaire ? Parce que le Gouvernement est indéfectiblement attaché au principe de l’indisponibilité du corps humain, il évite justement que, par ce biais-là (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…

    M. Christian Jacob. C’est confus !

    M. le président. S’il vous plaît, M. Wauquiez a posé des questions, écoutez au moins les réponses !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.

    Vous le savez très bien, monsieur Wauquiez, l’arrêt de la Cour de cassation va exactement dans le même sens. J’y reviens pour éclairer la représentation nationale et les Français.
     
    Chaque année, 450 000 actes d’état civil sont enregistrés à l’étranger. Ils sont enregistrés dans nos consulats. Lorsqu’un consul a un doute sur l’enregistrement d’un acte, il le signale au ministère des affaires étrangères, qui en avertit le parquet de Nantes.

    M. Christian Jacob. Mais ce n’est pas de cela qu’il est question dans votre circulaire ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.

    Je comprends parfaitement que cela vous dérange profondément que je clarifie la situation.
     
    Reprenons : le consulat fait saisir le parquet et le parquet examine les cas. Sous le dernier quinquennat, entre 2008 et 2011, quarante-quatre cas ont été signalés au parquet parce que le consul soupçonnait une gestation pour autrui. Le doute a été confirmé pour 38 d’entre eux par décision du procureur de la République. Rendons hommage à la vigilance de nos consulats, qui repèrent ces cas de gestation pour autrui, les signalent et permettent ainsi au parquet d’accomplir son travail.
     
    Pour l’année 2012, les chiffres sortis en décembre font état de douze dossiers. Lorsque les contentieux sont différents, les décisions de justice sont différentes, mais les actes administratifs, fondés sur le droit, doivent être égaux et identiques dans toutes nos juridictions. Dans certaines juridictions, les greffes des tribunaux d’instance délivrent le certificat de nationalité française, qui n’est pas à attribuer puisque ces enfants sont Français du fait de leur filiation paternelle.

    M. Laurent Wauquiez. C’est bien une reconnaissance de la gestation pour autrui !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.

    Non, monsieur Wauquiez, ce n’en est pas une, quoi que vous disiez !
     
    Par cette circulaire, nous demandons aux greffiers que, sur la base du document d’état civil probant, ils délivrent le certificat national de nationalité française.
     
    Si dans deux semaines vous voulez nous reposer la question, par respect pour le Parlement, nous vous répondrons à nouveau.
     
    Vous avez prétendu que je vous aurais traité d’hypocrites. Je répète ce que j’ai dit, mais le compte rendu fait foi de toute manière : puisque le mariage des homosexuels n’enlève strictement rien aux hétérosexuels….

    Plusieurs députés UMP. Ce n’est pas le problème !

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.

    Posons des mots sur des sentiments et des comportements. Je maintiens mes propos : oui, il est hypocrite de faire semblant de ne pas voir ces familles homoparentales et ces milliers d’enfants qui sont exposés à un regard social réprobateur (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
     
    Vous nous parlez des effets psychologiques sur les enfants, mais ces effets sont d’abord le fait du regard social, des discriminations, du rejet, du refus d’une citoyenneté ! (Les députés des groupes SRC, GDR et écologiste se lèvent et applaudissent).
     
    Alors, oui, nous le refusons. Je suis désolée de vous déplaire si, par hasard, il vous est arrivé de penser que je vous traitais d’hypocrites.

    M. le président. Rasseyez-vous, mesdames et messieurs les députés.

    Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.

    Vous nous parlez de l’intime mais, monsieur Wauquiez, en ce domaine, nous nous faisons un devoir de réfréner nos élans, nos sympathies, nos aversions, parce que nous statuons en droit. Il s’agit ici de droits et de libertés. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)
  • Réponse de JJ Urvoas

    31 janvier 2013

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, chers collègues, comme nous tous ici, j’ai écouté Laurent Wauquiez avec d’autant plus d’attention que nous n’avons pas souvent ce plaisir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.) Je l’ai fait avec d’autant plus d’attention que c’est la première fois, dans cet hémicycle ou en commission, que nous entendons Laurent Wauquiez, lequel, jusqu’à présent, ne s’était pas exprimé sur ce sujet. (Huées sur les bancs des groupes SRC, GDR, écologiste et RRDP. – Exclamations et claquements de pupitres sur de très nombreux bancs du groupe UMP.)

    M. le président. S’il vous plaît, un peu de calme !

    M. Christian Jacob. Je demande la parole, monsieur le président, c’est intolérable !

    M. le président. Monsieur Jacob, je vous donnerai la parole quand M. Urvoas aura fini. (Exclamations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP. – M. Christian Jacob persiste à demander la parole.) L’orateur seul a la parole, monsieur Jacob, et vous le savez très bien. Vous l’aurez ensuite. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

    M. Christian Jacob. Rappel au règlement !

    M. le président. Monsieur Jacob, nous sommes dans le cadre des explications de vote. Il n’y a pas de rappel au règlement ni de suspension de séance une fois qu’un orateur a pris la parole.

    Veuillez poursuivre, monsieur le président de la commission !

    M. Patrick Balkany. C’est scandaleux !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

    Je vous ai écouté, monsieur Wauquiez, et vous avez dit que nous avions peur. De quoi aurions-nous peur ? De nos convictions ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je vous le dis, mes chers collègues, nous sommes fiers de nos convictions (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR, écologiste et RRDP), fiers de la victoire de François Hollande (Mêmes mouvements), fiers de l’engagement 31 de François Hollande, fiers du combat de Dominique Bertinotti au service de toutes les familles, fiers de Christiane Taubira dans son combat pour l’égalité (Mêmes mouvements).
     
    Nous aurions peur ? Qui, ici, parle de peur ? Vous passez votre temps à nous parler de vos craintes, de vos fantasmes, de GPA. Une fois pour toutes, cette majorité ne veut pas de la GPA et il n’y aura pas de GPA ! (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC, GDR, écologiste et RRDP. – Claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP.)
     
    Vous avez, monsieur Wauquiez, défendu avec talent une motion référendaire pour que le peuple puisse se prononcer.

    M. Christian Paul et M. Jean Glavany. Non, sans aucun talent !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

    En tant que président de la commission des lois, je vais essayer de répondre sur le fond à votre demande de motion référendaire – et ce ne seront pas des arguties juridiques.
     
    J’ai été surpris que vous empruntiez cette voie, parce que vous la suivez…

    M. Lucien Degauchy. Rigolo ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, GDR, écologiste et RRDP.)

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

    Cher collègue, relisez donc Talleyrand : « Tout ce qui est excessif est insignifiant ». (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR, écologiste et RRDP.)
     
    Juridiquement, la voie que vous avez choisie est une impasse. Je suis convaincu que vous en êtes persuadés, mais que, par pur opportunisme, vous feignez de l’ignorer. Pourquoi ? Parce que c’est votre majorité, en 1995, qui a apporté la réponse. Jacques Chirac est le dernier Président de la République à avoir engagé une révision constitutionnelle pour élargir l’article 11. Et puisque ce ne sont pas nos arguments qui arrivent à vous faire douter, je vais en appeler à des membres de votre majorité de l’époque.
     
    On nous a déjà parlé de Jacques Toubon. Aussi vais-je citer quelqu’un d’autre, qui a, lui aussi, présidé la commission des lois entre 1993 et 1997 avant d’être nommé au Conseil constitutionnel par Jacques Chirac. Ce collègue éminent, bien plus compétent, naturellement, c’est Pierre Mazeaud, qui a présidé le Conseil constitutionnel en 2004. Pierre Mazeaud a rapporté la révision constitutionnelle de 1995 et a signé un rapport le 5 juillet 1995. Il pose cette question : « que va donc couvrir le champ de l’article 11, que nous allons élargir, et que va-t-il interdire ? »

    M. Christian Paul. Nous y voilà !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

    Vous n’en serez pas surpris, il affirme qu’il va reprendre ce que disait tout à l’heure Dominique Bertinotti : en seront exclus le droit pénal, les libertés publiques, les prérogatives de police et le droit civil.

    M. Christian Paul. Et voilà !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

    Nous avons le sentiment de parler ici de la modification du droit civil de la famille.
     
    Monsieur Wauquiez, vous avez dit : « Non, c’est une réforme sociétale, c’est donc une réforme sociale, cela relève de l’article 11 de la Constitution. » Là encore, je vais faire appel à votre mémoire et aux écrits de Pascal Clément et de Jacques Toubon.
     
    Pascal Clément, juriste éminent, a présidé la commission des lois de notre assemblée et a été garde des sceaux. Le 11 juillet 1995, il a déposé un amendement visant à ouvrir le référendum aux questions de société. Il disait – j’imagine que vous allez vous retrouver – qu’il fallait cet élargissement parce que restreindre la compétence du peuple français aurait quelque chose d’inexplicable. Vous en êtes d’accord.
     
    Jacques Toubon, garde des sceaux, membre de vos organisations politiques, a répondu : « Non, nous ne ferons pas cela, parce que nous considérons qu’il ne faut pas se risquer sur ce terrain, de peur de remettre en cause les principes fondamentaux reconnus par le Conseil constitutionnel et par l’ensemble des textes depuis le Préambule de 1946. Cela ferait courir un très grand risque à l’équilibre des institutions et aux libertés dont bénéficient les Français, et nous nous y refusons ». C’est Jacques Toubon qui parle, ce n’est pas Christiane Taubira, ce n’est pas non plus Dominique Bertinotti. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
    Depuis, rien n’a bougé. Pourtant, cela aurait pu en 2008, parce que des amendements ont été déposés dans cet hémicycle par des collègues membres du groupe UMP qui demandaient l’élargissement du champ du référendum aux questions de société. C’est Mme Rachida Dati, garde des sceaux (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP), c’est Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois qui ont dit non !
     
    Vous nous avez parlé de François Mitterrand, monsieur Wauquiez. François Mitterrand avait en effet proposé, en 1984, d’élargir le champ du référendum. Qui a dit non ? Le Sénat, où vous étiez majoritaires !

    Mme Catherine Coutelle. Absolument !

    M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

    Depuis, rien n’a bougé. En 1984, en 1995 et en 2008, c’est vous qui vous êtes opposés à l’élargissement du champ du référendum ! Il est donc pour le moins savoureux que vous le proposiez aujourd’hui !
     
    À la question « Les réformes de société sont-elles relatives aux réformes sociales de la nation, comme le prévoit l’article 11 ? », vous répondez « oui », monsieur Wauquiez, dans votre motion référendaire. Parfait !
     
    Les manuels de droit constitutionnel répondent « non ». Balayons-les et prenons un autre ouvrage, celui-ci, par exemple : Les 101 mots de la démocratie. Pas mal ! Il a été publié chez Odile Jacob en 2002. À la page 444, à la question « Les réformes de société relèvent-elles des réformes sociales de la nation dans l’article 11 ? », les auteurs répondent « non ». Les auteurs sont Raphaël Hadas-Lebel et Laurent Wauquiez. (Mmes et MM. les députés des groupes SRC, GDR, écologiste et RRDP se lèvent et applaudissent.)
  • Explications de vote

    31 janvier 2013

    Bernard Roman

    JF Poisson

    JC Fromentin

    Noël Mamère

    Alain Tourret

    MG Buffet

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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