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samedi 6 avril 2013

Jean-Pierre Leleux

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. Jean-Pierre Leleux. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, après avoir entendu cette dernière intervention, où, sinon dans mon intime conviction, pourrais-je trouver la force de créer, comme nous le demandaient récemment 173 de nos éminents universitaires, une brèche dans le mur idéologique sur lequel nous avons l’impression de voir nos arguments glisser ? Et quelle lumière pourrait m’aider à éclairer les chemins de votre conscience, au plus profond et au plus sensible d’elle-même, afin de vous faire ressentir les risques considérables que ce projet de loi fait prendre à notre société contemporaine ?
 
Peut-être y parviendrai-je en appelant à mon secours Jean-Étienne-Marie Portalis – vous l’avez cité aussi, monsieur le rapporteur, mais dans un esprit bien différent du mien –, cet éminent juriste provençal, éclairé et sage, qui, grâce à sa statue de marbre au-dessus de nous, veille sur nos débats, et à qui Bonaparte avait confié la rédaction de notre code civil.

M. Jean Bizet. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Leleux. La science, la clarté, le bon sens et la pureté de style de Portalis avaient su donner à notre code civil, il y a deux siècles de cela, la cohérence et la portée qui l’ont amené jusqu’à nous. Or voici ce qu’il écrivait : « La durée et le bon ordre de la société générale tiennent essentiellement à la stabilité des familles qui sont les premières de toutes les sociétés, le germe et le fondement de empires. »
 
Inscrit depuis dans la durée, le code civil n’en mérite que plus de respect. Portalis, homme de conviction, de conscience, de réflexion et de modération, fut, comme le disait Sainte-Beuve, « l’une des lumières civiles du Consulat ».

M. Marc Daunis. Quelle référence moderne !

M. Jean-Pierre Leleux. Et, s’il pouvait prendre ma place, il vous dirait combien il faut prendre de précautions quand on rédige une loi. Il vous dirait surtout que la loi civile, notre loi à nous, parlementaires, ne peut en aucun cas être de rang supérieur aux lois naturelles, scientifiques, biologiques ou physiologiques. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.) Il nous dirait : « Ne dégradons point la nature par nos lois. » Ne nous a-t-il pas rappelé l’avertissement de Cicéron, selon lequel « il n’est pas du pouvoir de l’homme de légitimer la contravention aux lois de la nature » ?
 
Oui, mes chers collègues, ce projet de loi est bien contre-nature. Sous prétexte d’offrir une nouvelle liberté aux personnes homosexuelles et de satisfaire une nouvelle prétendue égalité en voulant gommer la différence entre l’homme et la femme, et partant leur féconde complémentarité, ce texte aura des conséquences directes sur tous les couples composés d’un homme et d’une femme et nous conduira, contrairement à ce qui est annoncé, à de nouvelles injustices et à de nouvelles discriminations.

Mme Esther Benbassa. C’est faux !

M. Marc Daunis. Là, on quitte le siècle des Lumières !

M. Jean-Pierre Leleux. Depuis l’annonce, l’été dernier, de la mise en œuvre de cette promesse électorale, le débat agite la France. Madame le garde des sceaux, était-ce bien le moment, en ces temps difficiles sur le plan économique et social, de diviser les citoyens sur un sujet de société aussi sensible, alors que les Français ont un si grand besoin de se rassembler ? D’autant que le débat, non organisé – dans l’espoir, sans doute, de l’éviter – et mal canalisé, a été pollué et trahi par d’habiles et scandaleuses manipulations sémantiques.

Un sénateur du groupe UMP. Bravo !

M. Jean-Pierre Leleux. Quelle belle escroquerie, par exemple, que cette expression de « mariage pour tous », qui tend à faire passer habilement l’idée que la mesure serait juste, équitable et donc forcément bonne !

Mme Esther Benbassa. C’est la vérité !

M. Jean-Pierre Leleux. Albert Camus aurait réagi à cette utilisation malfaisante des mots : « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ».

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Merci de ne pas enrôler Camus au service de votre cause !

M. Jean-Pierre Leleux. Il aurait également réagi devant l’utilisation du mot « mariage » pour qualifier l’union de personnes de même sexe.
 
Les mots ont un sens, nourri par des siècles d’usage, ils sont porteurs du poids symbolique que leur ont donné des centaines de générations successives.

M. Charles Revet. Exactement !

M. Jean-Pierre Leleux. « Il faut faire attention aux mots », écrit Erik Orsenna, il ne faut pas « les employer à tort et à travers, les uns pour les autres ». Mes chers collègues, ne donnons pas au mot « mariage » un sens qu’il n’a pas : ce mot a toujours désigné l’acte qui unit un homme et une femme en vue de protéger leur relation et leur foyer, l’acte fondateur d’une famille, dans l’esprit d’une filiation porteuse du renouvellement des générations.
 
Loin de nous l’idée de vouloir empêcher les personnes homosexuelles de vivre librement leur vie, affective et civile. Nous sommes favorables à la création d’un statut d’union civile qui permettrait aux couples homosexuels de bénéficier strictement des mêmes « droits mutuels » que les couples hétérosexuels, avec les mêmes avantages et, éventuellement, les mêmes inconvénients.

M. Marc Daunis. Est-ce que les couples homosexuels sont naturels ou contre-nature ? On ne comprend plus !

M. Jean-Pierre Leleux. J’emploie l’expression « droits mutuels » pour qualifier ces droits entre adultes, car pour moi il ne saurait être question d’assortir ce statut du droit à l’adoption. Or, au-delà du poids symbolique millénaire du mot « mariage », que vous voulez modifier aujourd’hui, étendre le statut du mariage aux couples de personnes de même sexe implique, ipso facto et de jure, la faculté pour ces couples d’adopter. À nos yeux, ce n’est pas acceptable, au nom de l’enfant.
 
Je comprends très bien le désir que peut avoir tout homme ou toute femme d’élever un enfant. Mais, quelle que soit l’ampleur de ce désir, il ne peut en aucun cas primer sur le droit de l’enfant d’espérer être élevé par un père et une mère, dans l’altérité sexuelle de ses parents, même si celle-ci peut n’être que virtuelle, comme dans le cas des familles monoparentales.

M. le président. Veuillez conclure, cher collègue.

M. Jean-Pierre Leleux. Je n’évoquerai pas la PMA et la GPA, car vous vous insurgeriez, chers collègues de la majorité. Je vous dirai donc simplement que vous avez ouvert une brèche en proposant d’ouvrir l’adoption aux couples homosexuels, et que, comme le soulignait mon compagnon de route de ce soir, Jean-Étienne-Marie Portalis, « quand la raison n’a point de frein, l’erreur n’a point de bornes ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UDI-UC.)

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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