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mercredi 1er mai 2013

Jean-Frédéric Poisson

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le président, madame la garde des Sceaux, monsieur le rapporteur, chers collègues, je vous donnerai quatre éléments qui motivent mon opposition à ce texte. Il s’agit d’abord de principes, ensuite d’une différence de constat d’ordre sociologique, puis d’une question de contenu, et enfin de considérations de méthode.
 
Pendant la discussion générale, madame la ministre, je vous ai parlé de Rome. J’entends par là le droit romain et le droit naturel, cela va sans dire. Ce que j’avais évoqué devant vous alors, au sujet du droit naturel dans lequel notre droit et ses principes généraux plongent leurs racines, me revient à l’esprit en ce moment. Le philosophe John Rawls, un théoricien contemporain de la justice,…

M. Daniel Fasquelle. Très bien ! C’est un très bon auteur !

M. Jean-Frédéric Poisson. …distingue les inégalités justes des inégalités injustes : c’est la meilleure traduction que je connaisse du principe fixé par l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, aux termes duquel il peut exister des distinctions sociales, mais que seule l’utilité commune peut les justifier. Nous pensons que l’on peut maintenir, entre les couples de personnes de même sexe et les couples de personnes de sexe différent, des différences de droit, tant qu’elles sont fondées sur l’intérêt commun. J’ai posé cette question au cours de la première lecture, mais je n’ai toujours pas obtenu de réponse. Il s’agit là d’un point de divergence important entre nos deux conceptions.
 
Deuxièmement, nous ne partageons pas le constat sociologique que vous dressez. Nous avons entendu, depuis le début de nos échanges dans cet hémicycle, répéter que la famille traditionnelle – parfois appelée par certains famille « hétéro-patriarcale » : on entend toutes sortes de qualificatifs de cette sorte – est morte. On nous dit qu’il ne s’agit que d’un lointain souvenir, et que nous devrions y renoncer. Tout d’abord, ce constat ne résiste pas à l’analyse. Bien sûr, il peut y avoir des souffrances, des séparations, mais la famille est encore l’état de vie – ou du moins l’aspiration – d’une très grande majorité de nos concitoyens. De notre point de vue, cette manière d’envisager sa vie personnelle n’est évidemment pas obsolète.
 
Évidemment, cela n’interdit pas pour autant de prendre en compte des situations sociologiquement minoritaires. Mais il y a une erreur d’analyse importante à nous annoncer la fin d’un modèle familial qui nous est cher.
 
On nous accuse souvent d’oublier les personnes homosexuelles. Personne ici ne peut préjuger du réseau familial, amical et de la vie personnelle de chacun d’entre nous. Je maintiens que l’affaire du législateur est aussi de défendre la permanence d’un certain ombre de principes de droit, même si, de temps en temps, il est difficile de faire comprendre les raisons de ce maintien.
 
M. Dussopt nous posait la question suivante hier : comment expliquerez-vous aux couples homosexuels que vous leur aurez refusé ce droit ? Je leur expliquerai ces éléments, comme je les ai déjà expliqués aux associations que j’ai rencontrées, et aux personnes qui sont venues en discuter avec moi avant d’entamer la discussion de ce texte. Même si ce n’est pas agréable à entendre, je pense qu’au moins, c’est compréhensible.
 
Troisièmement, à propos du contenu de ce projet de loi, madame la ministre, je ne reviendrai pas sur l’article 1er, sur le mariage, l’adoption et les dispositions autorisant le Gouvernement à prendre des ordonnances. Je m’arrêterai un moment sur la question de l’article 16 bis. Je pense que, dans sa formulation actuelle issue des travaux du Parlement, l’article 16 bis affaiblit l’économie générale du droit des obligations. Il fragilise le lien contractuel entre l’employeur et le salarié, puisqu’il met en danger la possibilité même de faire respecter les clauses de mobilité dans beaucoup de circonstances. Je pense que ce point sera une source importante de contentieux.
 
J’aborderai un dernier point, à propos de la méthode. Jusqu’ici, tous mes collègues qui se sont succédé à cette tribune l’ont rappelé : même si nous sommes tous là – tous las, aussi – la manière dont ce débat se termine montre que, décidément, les modalités d’organisation de notre seconde lecture, imposées par le chef de l’État, appuyées par le Gouvernement et acceptées à contrecœur – je crois – par M. le président de la commission des lois, laissent à désirer. Cela montre bien que sur ce texte et dans ces circonstances, tant extérieures à notre hémicycle qu’intérieures, il ne fallait pas procéder de la sorte.
 
Madame la garde des Sceaux, mes chers collègues, pour toutes ces raisons, je voterai contre ce projet de loi.

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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