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jeudi 31 janvier 2013

J.Y. Le Bouillonnec (30 janvier)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

Mesdames les ministres, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, nous le savons tous bien : contre la peur, il n’y a qu’un remède, c’est le courage.

M. Gérald Darmanin. Et la prière ! (Sourires)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

C’est une belle formule qui a, je le crois, inspiré beaucoup d’entre nous dans nos engagements publics comme dans nos vies personnelles. Toutes les grandes avancées de nos civilisations ont été des affaires de courage, et le mariage n’y a pas échappé.
 
Vous nous l’avez rappelé, mesdames les ministres : le mariage civil et laïc est institué par la Constitution du 3 septembre 1791 dont je vous rappelle les termes : « la loi ne considère le mariage que comme un contrat civil ». La rédaction même de cet article fonde tout le concept qui, en rupture révolutionnaire et républicaine avec le passé, définit désormais la réalité du mariage.
 
Je voudrais, chers collègues, que vous prêtiez attention à cette idée : la Constitution de 1791 nous a dit tout ce que le mariage ne pouvait plus être. Cette conception du mariage comme un contrat, actée par le Code civil en 1804, n’a eu de cesse d’évoluer au cours des deux derniers siècles. On aurait tort de mettre cette évolution au seul crédit de l’évolution plus générale de la société, car ce serait en sous-estimer la nature et le sens.

M. Bernard Roman. Bien sûr !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

Non, cette évolution du mariage est d’abord très singulièrement et très remarquablement à mettre au compte des grandes conquêtes, dont l’égalité des droits des femmes, des hommes et des enfants !
 
Vous l’avez rappelé, mesdames les ministres, et nous l’avons mesuré tout au long des débats qui se sont déroulés ces derniers mois : au fil du temps, ce contrat civil a été détaché des grandes inspirations révolutionnaires, républicaines et laïques, pour servir la préservation du patrimoine, le maintien des lignées et l’instauration d’un lien matrimonial dédié à la seule exigence de procréation, le tout sous la domination de l’homme en l’absence de droit des femmes, devenant ainsi le passage unique et obligé, souvent subi et contraint, pour obtenir un statut social. C’est cela que le mariage était devenu !
 
Et le lien entretenu entre la célébration républicaine et la sacralisation par la consécration religieuse de l’union matrimoniale a servi les pouvoirs d’uniformité du modèle social qu’imposait un ordre dominant qui s’était totalement, remarquablement éloigné des objectifs de la Révolution. Le rétablissement du divorce en 1884 fut donc un premier et extraordinaire bouleversement. On est alors revenu au consentement, qui est au cœur du contrat civil de mariage et qui est la grande exigence de la loi : un contrat en droit scellé par le consentement.
 
Cette démarche s’est caractérisée par une double conquête : une totale égalité de droit entre l’homme et la femme et, de façon peut être encore plus exemplaire, entre tous les enfants, quels qu’ils soient et quelle qu’ait été la situation de leurs parents.
 
Vous nous avez rappelé ce long chemin, mesdames les ministres : la dernière étape remonte à quatre ans seulement, lorsque la République a enfin accepté de prendre dans ses bras les enfants adultérins, lorsqu’elle a enfin accepté de considérer qu’ils sont comme les autres. Pour cela, il nous aura fallu deux cent cinquante ans depuis la Révolution ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
 
Mes chers collègues, nous partageons cette réalité avec vous, et je n’accuse personne ici. Mais je trouve scandaleux que la République ait tant manqué à ses obligations envers ses enfants…

M. Marc Dolez. Très bien !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

…des enfants dont j’ai à cœur de rapporter la souffrance.
 
Quelle incroyable frilosité que celle dont a fait preuve notre pays qui, alors qu’il a su porter aux quatre coins du monde les valeurs de la République, n’a pas été capable d’affronter la mise en œuvre des droits et des libertés individuelles lorsqu’il s’agissait de toucher au statut des personnes ! La République a été impuissante, mes chers collègues, impuissante à traduire l’égalité et la fraternité dans les droits individuels – ceux des femmes dans le mariage, ceux des enfants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) C’est cette histoire que je veux vous rappeler, mes chers collègues, car je sais que vous partagez avec nous les valeurs que j’ai évoquées.
 
Oui, cette frilosité est incroyable : c’est pourquoi je veux vous dire aujourd’hui que cette nouvelle avancée, ces portes qui, s’ouvrant sur le mariage pour tous, sont les portes du progrès, nous promettent de réconcilier la République avec nombre de ceux à qui elle a manqué, et à qui elle manque encore.
 
Mes chers collègues, en cet instant ô combien mémorable que l’examen de ce projet de loi nous fait vivre dans notre hémicycle, je veux terminer en confiant – avec humilité, mais très sincèrement – une réflexion personnelle à chacune et chacun d’entre vous. Dans dix ans, nous nous rappellerons avoir été présents à cet important rendez-vous de la République, et cela me fait penser à ces belles paroles d’Aimé Césaire : « C’est quoi une vie d’homme ? C’est le combat de l’ombre et de la lumière. C’est une lutte entre l’espoir et le désespoir, entre la lucidité et la ferveur. Je suis du côté de l’espérance, mais d’une espérance conquise, lucide, hors de toute naïveté ».
 
Mes chers collègues, en cet instant, avec une passion dont je m’excuse, mais sereinement et résolument, je veux partager avec vous cette nouvelle étape de progrès, comme une pierre de plus dans la grande œuvre d’humanité que nous avons, en définitive, les uns et les autres à construire. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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