Le Mariage Pour Tous
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jeudi 31 janvier 2013

H. Morin (30 janvier)

M. Hervé Morin.

Monsieur le président, mesdames les ministres, chers collègues, je souhaite, dans les cinq minutes qui me sont accordées, éviter deux écueils qui sont apparus bien souvent dans ce débat : d’une part, la caricature et, d’autre part, le juridisme. Évitons l’un et l’autre parce que le projet sur lequel nous débattons traite de vies humaines, de croyances, de raisons d’être et de raisons de vivre.
 
Oui, mesdames les ministres, le monde nouveau qui émerge impose des réponses nouvelles. Il y a quarante ans, l’homosexualité relevait du code pénal. Il y a vingt ans, on la cachait encore. Aujourd’hui, on assume plutôt sereinement son homosexualité en France. Il y a dans les sociétés modernes, comme dans les océans, de grands courants invisibles, puissants facteurs de transformation sociale, et il appartient donc à la loi d’évoluer.
 
Dès lors oui, je suis favorable à l’union pour tous. Oui, madame la garde des sceaux, je suis comme vous favorable à l’égalité des droits, mais dans la Constitution française, puisque vous l’avez évoquée amplement, je rappelle que l’égalité des droits n’est pas l’uniformité : l’égalité, c’est aussi la différence et la différenciation juridique. À des situations différentes, la loi peut et doit être différente, et dans ce débat, la première question est celle de la définition du mot mariage. Pour de nombreux Français, c’est l’union par la loi entre un homme et une femme, ce n’est pas l’union de deux individus. On nous dira qu’il ne faut pas s’arrêter à une question de vocabulaire. Dans ce cas, je prétends le contraire, car je préfère les mots qui rassemblent aux mots qui jettent les Français les uns contre les autres. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous avez décidé de faire de cette loi une ligne de fracture politique pour créer un marqueur idéologique au moment où vous êtes en grande difficulté sur les questions économiques et sociales, au risque de diviser les Français, et je le regrette.
 
Oui, la communauté homosexuelle…

M. Patrick Bloche. Il n’y a pas de communauté homosexuelle !

M. Christian Hutin. Il n’y a que des citoyens !

M. Hervé Morin.

…est légitime à exiger plus de protection et de droits que ne lui accorde le seul PACS, et il était facile de le faire par l’adoption d’un contrat d’union civile, par conséquent sans heurter nos concitoyens pour qui le mariage a un caractère sacré et repose sur l’union de deux personnes de sexe différent. Oui, ce sujet heurte, divise, blesse au plus profond une part importante de notre société, et celle-ci doit être aussi respectée dans ses convictions, respectée dans sa culture, dans sa foi religieuse, dans sa vision de la société.
 
Bien sûr, le mariage n’est pas le monopole de la religion et il présente aussi, avant tout même, un caractère civil. Mais ce serait une erreur de faire comme si ces deux aspects du mariage étaient totalement étrangers l’un à l’autre : d’une part, parce que le mariage civil est issu de notre civilisation judéo-chrétienne, et, d’autre part, parce que la laïcité, je le rappelle, ne renvoie pas à un État sans religions, mais à un État qui permet leur libre exercice et, surtout, le respect des consciences.

M. François André. C’est ça le centrisme ?

M. Hervé Morin.

C’est ma position d’aller le plus loin possible dans la réponse aux problèmes et aux aspirations des uns, mais en s’arrêtant là où commence la blessure des autres. C’est pour moi la différence entre un texte politicien et un texte politique, entre un texte électoraliste et un texte d’intérêt général. Sur un tel sujet, il y avait les moyens d’obtenir un consensus beaucoup plus large.
 
Le second point que je souhaite aborder concerne l’adoption pour tous. Je dis d’emblée que j’en soutiens le principe, sachant bien que je vais ainsi à rebours de beaucoup de mes collègues qui ne refusent le mariage pour tous qu’en tant qu’il induit l’adoption. Je suis dans la position inverse.
 
Tout d’abord, je crois en effet que l’essentiel, c’est de donner du bonheur à un enfant, et cela se saurait depuis longtemps si les couples hétérosexuels avaient le monopole de ce don de bonheur, même si je suis convaincu que pour un enfant, sa construction est encore plus difficile quand il a pour parents deux hommes ou deux femmes, au moins parce qu’il y a le regard des autres et la différence de situation.
 
De plus, nous devons faire cesser cette hypocrisie du droit français dont l’enfant est finalement la principale victime. Quelle est la situation aujourd’hui ? Nous le savons tous : les couples homosexuels adoptent des enfants – une quarantaine par an si j’en crois les statistiques –, mais ils le font en tant que célibataires. Ils cachent généralement leur compagnon ou leur compagne dans le placard, le temps de l’agrément, puis le ressortent ensuite. Humainement et éducativement, il y aura bien un couple, mais juridiquement, il n’y aura qu’un parent. Dès lors que se passe-t-il en cas de transmission du patrimoine, en cas de séparation ou de décès ? Il était temps d’y trouver une réponse. Il ne s’agit pas ici de mariage, pas de naissance par PMA ou, pis encore, de cette marchandisation du corps abjecte qu’est l’abominable gestation pour autrui. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Il ne s’agit que de responsabilités vis-à-vis d’enfants, non pas de droit à l’enfant mais du droit de l’enfant à être aussi bien protégé que celui grandissant au sein d’un couple hétérosexuel.
 
Tel était, monsieur le président, la position que je tenais à défendre ce soir au nom d’un certain nombre de mes collègues de l’UDI.

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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