Le Mariage Pour Tous
le site de référence pour tout comprendre des enjeux sur le #mariagepourtous

> Ressources > Auditions & débats parlementaires > Les débats à l’Assemblée nationale > Discussion générale

jeudi 31 janvier 2013

F. Fillon (30 janvier)

M. François Fillon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « présider la République, c’est refuser que tout procède d’un seul homme, d’un seul raisonnement, d’un seul parti » : voilà les mots du candidat François Hollande, au Bourget, en janvier 2012.

M. Michel Issindou. De jolis mots.

M. François Fillon. À l’évidence, ce projet de loi contredit cette proclamation. Il procède de la volonté du Président de la République qui a choisi de passer outre les centaines de milliers de manifestants opposés à ce texte…

M. Yann Galut. Et les retraites ?

M. François Fillon. …qui a choisi d’ignorer les inquiétudes exprimées par les représentants des cultes, qui a choisi de négliger l’avis de l’Académie des sciences politiques et morales, qui a choisi de ne pas s’en remettre au référendum. Bref, qui a choisi seul, avec sa majorité, d’imposer un changement profond du droit de la famille et de la filiation.
 
Hier, le parti socialiste accusait le président Sarkozy d’autoritarisme et il ne ménageait pas son soutien à tous ceux qui battaient le pavé contre le gouvernement. Aujourd’hui, il goûte le pouvoir présidentiel et majoritaire et conteste celui de la rue.
 
Contrairement à la gauche, je n’ai jamais critiqué les prérogatives du chef de l’État, mais je regrette de les voir utiliser, sans discernement, sur un sujet sensible qui aurait mérité une approche pragmatique et rassembleuse (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Le projet gouvernemental devait, nous disait-on, susciter le consensus. Eh bien il n’y a pas de consensus !
 
Les centaines de milliers de Français qui ont manifesté le 13 janvier n’étaient ni des extrémistes, ni des passéistes, ni des idéologues.

M. Nicolas Bays. Il y en avait.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et ceux qui manifestaient hier soir ?

M. François Fillon. Est-il nécessaire de préciser qu’on peut être contre le mariage pour tous et combattre l’homophobie, qui est une injure faite à la dignité qui entoure chaque être humain ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
 
Dois-je aussi préciser que l’on peut être favorable à ce projet et respecter les arguments de ceux qui ne le sont pas, et réciproquement.
 
Mieux vaut le préciser, car le débat actuel a fait resurgir des tensions, parfois détestables. Sur les réseaux sociaux, une violence malsaine gronde. Homophobie d’un côté, anticléricalisme de l’autre, toutes ces dérives qui mutilent notre fraternité sont inquiétantes.

M. Bernard Perrut. Très bien !

M. François Fillon. Je dis au Gouvernement : « Prudence ! ». Je dis au Président de la République qu’il n’agit pas dans un contexte serein. Nous sommes en crise, et, autour de nous, les repères s’effritent. Les risques de rupture existent, et son devoir est d’assurer la concorde de la nation. Il ne doit pas laisser les Français se dresser les uns contre les autres sur des sujets de société qui, précisément, réclament une pédagogie du rassemblement.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Oui, c’est ça, Sarkozy rassemblait bien !

M. François Fillon. Pourquoi cette question du mariage homosexuel ne fait-elle pas l’objet de plus de précautions ?
 
On ne peut à fois prétendre que ce texte de loi constitue une réforme de civilisation et agir avec précipitation, sans, au surplus, donner la parole au peuple. Si François Hollande a cru bon d’évoquer devant les maires la liberté de conscience, c’est bien que l’affaire est grave, et, si l’affaire est grave, c’est qu’il y a un problème de fond, qui ne sera pas réglé en quelques semaines au Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
 
Quel est le problème ? Il est que ce projet de loi remet en cause le cadre juridique et social du mariage, qui structure la société et la filiation depuis des siècles.
 
On me rétorquera que cette conception du mariage se heurte aux mutations de notre temps.
 
Je ne suis pas dans un déni de réalité ; je sais qu’il y a des situations de fait que le législateur doit résoudre. Je ne m’érige pas non plus en juge car je ne doute pas des capacités d’affection et d’éducation d’un couple homosexuel, ou d’une femme ou d’un homme seul.
 
Ce souci d’assumer la réalité sans la juger ne me conduit pourtant pas à accepter le principe d’une égalité totale des droits.

M. Bernard Roman. Vous voulez une égalité partielle, alors ?

M. François Fillon. Les citoyens sont égaux, ce qui n’implique pas que les situations soient, entre couples homosexuels et couples hétérosexuels, totalement égales.

M. Nicolas Bays. Vous inventez des demi-citoyens !

M. François Fillon. Beaucoup de choses ont été dites par mes collègues sur ce sujet. Je veux juste, pour ma part, insister et alerter nos concitoyens sur un point que le slogan de l’égalité dissimule : celui du droit à l’enfant.
 
Si le principe d’égalité est suffisant, aux yeux du Gouvernement, pour justifier de chambouler l’institution du mariage, s’il est suffisant pour relativiser le bien-fondé de l’altérité et élargir le droit à l’adoption, alors il sera rapidement considéré comme suffisant pour accorder aux couples de femmes l’assistance médicale à la procréation.

M. Claude Goasguen. Eh oui !

M. François Fillon. Nous touchons ici à une question profonde, car un enfant conçu par ce procédé au sein d’un couple de femmes, ou par une femme seule, pourra-t-il réparer ce double manque, ne pas savoir d’où il vient et ne pas avoir de père qui l’élève ?
 
Sur l’extension de la PMA, le Président de la République a saisi le Comité consultatif national d’éthique. C’est sage mais bien tardif, et c’est, au demeurant, vain, puisque j’ai cru comprendre que, sur ce sujet, la majorité socialiste était largement prête à franchir le pas dans quelques mois.
 
Une fois ce pas franchi – au nom de l’égalité toujours ! –, les couples d’hommes ne manqueront pas d’exiger le droit à la gestation pour autrui.
 
Beaucoup la réclament déjà (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP) et certains n’ont pas hésité à y recourir à l’étranger. Ce jour-là, quel argument le Gouvernement leur opposera-t-il ? (« Aucun ! » sur les bancs du groupe UMP.) Celui de l’inégalité ? Sûrement pas puisqu’il fait de 1’égalité des droits le fil directeur de son projet. Celui de l’interdiction de marchander son corps ? Naturellement, cet argument sera avancé, et je ne fais pas le procès au Gouvernement ou à la majorité de tricher, je dis simplement qu’il sera rapidement démonté par ceux qui vous convaincront que le recours à une mère porteuse est aussi estimable que le recours à la science et à un tiers donneur anonyme.
 
Ils évoqueront les quelques exemples étrangers où la PMA est ouverte à tous, et certains dénonceront le vide juridique qui entoure leur enfant né ainsi hors de nos frontières.
 
Sur ce point, madame la ministre, votre circulaire, qui facilite l’acquisition de la nationalité française pour les enfants nés de mère porteuse, est, d’une manière ou d’une autre, une brèche vers la légalisation de la gestation pour autrui. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Perrut. Hélas !

M. François Fillon. Les partisans de la GPA s’y engouffreront, et tous ne manqueront pas de reprocher à la France d’être à la traîne du progrès. Que n’a-t-on dit et exigé au nom du progrès, sans se poser la seule question qui vaille : vers quel monde courons-nous et pour quel humanisme ?
 
Au nom de l’égalité, le Gouvernement ouvre ainsi une boîte de Pandore, et, croyez-moi, il sera difficile de la refermer. Ceux qui me rétorquent que les ruptures fondamentales de la PMA et de la GPA ne sont pas à l’ordre du jour sont les mêmes qui, dans quelque temps, affirmeront que le droit à l’enfant est respectable, car, oui, derrière le mariage pour tous, il y a le droit à l’enfant pour tous et par tous les moyens.
 
Aujourd’hui, la majorité nous dit qu’il n’en est rien…

M. Michel Issindou. Croyez-la !

M. François Fillon. …mais, très bientôt, je ne doute pas que pour légitimer ce nouveau droit les motifs les plus généreux et les plus sincères seront alors employés, dont celui de vouloir avoir un enfant et de l’aimer. Une fois encore, le poids des sentiments imposera sa loi.
 
À ceux qui pensent que j’anticipe des évolutions qui ne sont pas inscrites dans ce projet,…

M. Michel Issindou. C’est vrai !

M. François Fillon. …je veux rappeler qu’en 1999 le PACS nous était présenté comme l’étape législative ultime de l’union entre deux personnes du même sexe. Jamais, nous disait-on, le législateur n’ira ni ne devrait aller plus loin ! Jamais !

M. Hervé Mariton. « Jamais », c’est combien de temps ?

M. François Fillon. Par délicatesse, je ne citerai pas toutes les phrases prononcées dans cet hémicycle par l’ancienne garde des sceaux, chargée de faire voter le PACS.
 
Son opposition au mariage homosexuel et à l’adoption était sans ambiguïté et elle concluait son propos avec une formule qui résonne étrangement dans notre hémicycle : « Je n’ignore pas le procès d’intention sur un éventuel « après » de cette proposition qui préparerait des évolutions plus fondamentales de notre droit. Je m’élève avec la plus grande énergie contre de telles insinuations. »
 
Voilà les mots d’hier, qui nous disaient « jamais ».
 
Une décennie plus tard, ce qui était formellement refusé est officiellement accepté : le mariage est ouvert aux couples homosexuels avec l’adoption.
 
Cette course ne s’arrêtera pas en chemin…

Un député du groupe UMP. C’est évident !

M. François Fillon. …et il ne faudra pas longtemps pour voir la majorité s’accommoder de la procréation médicalement assistée et de la gestation pour autrui, qui sont les horizons naturels de ce projet de loi.
 
Il n’est nul besoin de se livrer à un procès d’intention pour envisager ce scénario ; il est seulement la conséquence logique d’une quête effrénée de l’égalité absolue. Avec ce projet de loi, nous entrons donc dans une spirale dont les répercussions risquent d’être lourdes, et il est bien présomptueux de penser que nous pouvons légiférer sans avoir la main qui tremble.
 
La querelle qui nous divise est d’autant plus regrettable qu’il existe une voie pragmatique pour avancer ensemble, de façon consensuelle.
 
En disant non au mariage pour tous, l’opposition ne dit pas non à des évolutions juridiques ciblées. Elle ne dit pas non à la reconnaissance que recherchent les couples homosexuels, parce que chacun est libre de vivre sa vie amoureuse sans être défié ni jugé par les autres. (« Très bien » et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
 
Nous pourrions travailler à un PACS renouvelé, renforcé de droits nouveaux. Sur la base d’une nouvelle forme d’union civile, il répondrait aux attentes des couples, et il ne bouleverserait pas les cadres du mariage et de la filiation.
 
Je crois, mes chers collègues, que le Gouvernement n’a pas pesé toutes les incidences juridiques, sociales et éthiques de son projet. Celui-ci divise la France au moment où elle devrait être rassemblée, et il pose les jalons d’une société où le droit et le désir des adultes passeront avant ceux des enfants.

M. Hervé Mariton. Hélas !

M. François Fillon. Les Français qui s’opposent à ce texte de loi ne sont pas entendus. Ils étaient pourtant des centaines de milliers à descendre dans la rue pour défendre leur cause.

M. Nicolas Bays. Ils étaient des millions pour les retraites !

M. François Fillon. Inutile de les compter ou de les recompter... Ils sont de toute façon très nombreux et ils sont, à leur façon, les porte-parole d’une tradition qui n’a pas fini d’être moderne.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Rassurez-vous, on ne va pas supprimer le mariage pour les hétérosexuels !

M. François Fillon. Aujourd’hui, la responsabilité de l’opposition est de relayer leur voix, parce que cette France que le Gouvernement n’écoute pas doit être respectée, mais notre responsabilité est aussi de parler clair.
 
La PMA et la GPA sont des lignes rouges. Le flou des réponses du Gouvernement sur ces sujets révèle la faiblesse de ses convictions.
 
Il est du devoir de l’opposition d’avertir que, si ces lignes rouges étaient franchies, à l’heure de l’alternance – car il y aura alternance –, nous réécririons la loi pour stopper cette dérive, car elle consacrerait une régression de notre conscience humaine. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


Partager :