La forte mobilisation des adversaires du mariage pour tous en France, le dimanche 13 janvier, aura eu une vertu : celle de nous rappeler que la famille n’est pas une valeur traditionnelle mais bien une passion moderne. Nous la construisons à travers nos enfants, nous la composons et recomposons au gré des amours successives, elle nous galvanise, elle nous exaspère, elle nous structure. Rien d’étonnant donc que le sujet fâche, mais dégage aussi des lignes de fond, presque 60 % des Français étant partisans du mariage pour les homosexuels. Fidèle à une des promesses de campagne de François Hollande, le gouvernement va faire voter un projet de loi en faveur du mariage pour tous. C’est le sens logique de l’histoire de notre société, dont les fondements actuels reposent sur la liberté individuelle et l’égalité de tous face à la loi. Les combats pour les droits des femmes se sont inscrits et s’inscrivent encore dans cette démarche. Aujourd’hui, on ne voit pas pourquoi, et au nom de quelles valeurs, l’Etat refuserait à deux personnes de même sexe une union civile.

Si les passions se déchaînent aujourd’hui, ce n’est pas tant sur cette union que sur la fondation de la famille. Des parents qui ne seraient que partiellement des parents biologiques mais pleinement des éducateurs, des enfants avec deux mères ou deux pères. Que souhaitons-nous privilégier : le biologique, le symbolique, l’éducation ? Voilà pourquoi il est aussi important que des personnalités morales et intellectuelles, des instances religieuses s’expriment dans un débat complexe qui pose la question de la procréation et de la filiation. D’autant que ce débat n’oppose pas de manière primaire les anciens et les modernes, la droite et la gauche, les homophobes et les progressistes : il y a des catholiques gays et pro-mariage, des psys de gauche comme de droite farouchement attachés à la symbolique de la différence des sexes et à une nécessaire altérité pour tout projet d’enfant. Il y a des féministes qui militent pour la PMA (la procréation médicalement assistée) pour les lesbiennes, mais qui refusent la GPA (la gestation pour autrui – les mères porteuses) pour les gays, car elles dénoncent la marchandisation du corps des femmes. D’autres enfin militent pour une GPA encadrée, éthique et non rémunérée.

A la rédaction de ELLE, si le oui au mariage semble majoritaire, la question de la PMA, de l’adoption et des mères porteuses interroge et divise. Une chose pourtant nous rassemble : la conscience que ces discussions qui ont pour objet le corps de la femme méritent un large débat, y compris dans les colonnes de notre magazine. Soucieux de ne pas grossir les rangs des contestataires, le gouvernement a proposé de dissocier la question de la procréation de celle du mariage. Bien vu. Mais il faut aller plus loin et ne surtout pas se précipiter à statuer sur ces questions au printemps comme cela a été évoqué. C’est un dossier éthique, scientifique, juridique, qui nécessite un débat contradictoire et transparent. Lançons les Etats généraux des bébés. Nous devons bien ça aux enfants de demain, à ceux qui les feront et à ceux qui les élèveront. En attendant, pour le meilleur et pour le pire, vive tou(te)s les marié(e)s de l’an 2013 !