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jeudi 31 janvier 2013

☛ E. Pochon (30 janvier)

Mme Elisabeth Pochon.

Chers collègues, avoir un enfant n’est pas un droit, nous répétez-vous à longueur d’interventions. Vous vous faites ainsi les seuls défenseurs des droits des enfants, en nous renvoyant, nous qui sommes favorables au mariage entre personnes du même sexe – et à ses conséquences sur la filiation et l’adoption –, au rôle d’irresponsables, d’égoïstes ou d’apprentis sorciers.
 
Est-ce à dire que nous, la gauche, aimerions moins les enfants que vous, au point de pouvoir nous imaginer dénués du souci de leur épanouissement ? Nous serions suspects de n’avoir en tête que la satisfaction d’une minorité homosexuelle, sans mesurer les conséquences de notre engagement à les faire accéder à l’égalité des droits en matière de mariage et d’adoption.
 
Mais de quels enfants parlons-nous ?
 
Parlons de ceux qui sont déjà nés, enfants biologiques ou adoptés, qui vivent déjà au sein d’un couple homosexuel et qui reconnaissent comme parents ceux qui s’occupent d’eux et qui les aiment au quotidien, mais dont l’un d’entre eux au moins n’a aucun droit reconnu sur lui, notamment en cas de séparation ou de décès du parent officiel.
 
Au nom de quel principe pourrait-on refuser l’adoption de cet enfant chéri par ce parent-là ? Le parent officiel n’aurait donc pas le droit de souhaiter pour son enfant l’adoption par le conjoint qu’il a choisi ?
 
Le premier des droits de l’enfant auxquels vous êtes, j’en suis sûre, autant attachés que nous, c’est le droit de ne pas être séparé de ceux qui l’ont élevé. Le voilà, indiscutablement, l’intérêt de l’enfant !
 
Nos tribunaux prononcent à juste titre, chaque jour, l’adoption des enfants par leur famille d’accueil après des années de soin et d’amour, alors que cela serait refusé à un conjoint sous le seul prétexte qu’il est du même sexe que son compagnon ou sa compagne ?
 
Nous valons tous mieux – et nous voulons tous mieux – que cette discrimination avérée, pour ne pas l’appeler un ostracisme, que nous légitimerions en refusant cette faculté d’adoption-là. J’emploie à dessein ce terme d’ostracisme, en vous rappelant sa définition – « hostilité d’une communauté qui rejette l’un de ses membres » – parce que, au-delà du droit à l’égalité, c’est la reconnaissance de cet autre qui est en jeu, la reconnaissance de la capacité d’un conjoint de même sexe à être le deuxième parent d’un enfant.

M. Hervé Mariton. Ça, c’est votre définition !

Mme Elisabeth Pochon.

Parlons des enfants désirés qui ne sont pas encore nés. Vous n’avez eu de cesse de brandir les lois de la nature pour expliquer en son nom pourquoi les homosexuels devaient être privés d’enfants : Dame Nature est reine ! Pourquoi alors l’État permet-il à des couples hétérosexuels, mariés ou non, d’accéder à des pratiques d’aide à la procréation ? L’État ne donne pas un droit à l’enfant mais il reconnaît le droit d’essayer d’en avoir,…

M. Philippe Gosselin. Prônez-vous l’infidélité ?

Mme Elisabeth Pochon.

et si la Sécurité sociale prend en charge ces techniques médicales, c’est que la société considère que le fait d’avoir un enfant relève d’une condition nécessaire à l’épanouissement d’un couple.
 
Il est donc admis un droit hypothétique à l’enfant en dehors de toute procréation naturelle. L’absence d’enfant est généralement une grande souffrance, et en commission, mes chers collègues de l’opposition, je vous ai trouvé des juges assez ignorants et particulièrement sévères à l’encontre des personnes concernées par cette quête d’enfant. Y renoncer est aussi dur pour les hétérosexuels que pour les homosexuels ; le désir ou le besoin d’enfant n’est pas particulièrement sexué. La position de juge est facile quand on est devenu parent sans difficulté ! Un enfant serait-il le prix d’un quelconque mérite et son absence celui d’une punition pour mauvaise conduite ? Par une telle attitude, vous parez le biologique de toutes les qualités et vertus qui permettent de devenir parents sans devoir justifier de son projet parental.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Nicolas Dhuicq. Vous niez la biologie !

Mme Elisabeth Pochon.

Les hétérosexuels font-ils des enfants pour des raisons qui ne seraient que nobles, pour le bien de la société ? N’y a-t-il jamais derrière ce désir-là aussi des raisons égoïstes, narcissiques ? Il y a au sein des couples hétérosexuels des enfants nés sans être désirés et qui traîneront toute leur vie le poids d’une conception non voulue. Leurs droits seront-ils respectés ? Le désir d’enfant n’épargne personne, pas même ceux qui y renoncent, et il mérite d’être regardé chez chacun avec la même légitimité.
 
Être parent, est-ce faire un enfant ou bien l’élever ? Notre société montre de plus en plus qu’il n’y a pas un seul schéma familial possible ! N’y en a-t-il jamais eu qu’un seul d’ailleurs, bien affiché quand tous les autres étaient enfermés dans les tiroirs des secrets de famille ?
 
Vous avez relancé ces dernières semaines, dans le débat public, la supériorité du biologique, avec parfois peu de conscience de choquer les adoptés et les adoptants. Pourtant, vous savez que l’adoption est un parcours du combattant pour tous les couples qui y recourent, et encore davantage pour les célibataires qui y ont droit aussi.

M. Hervé Mariton. Avez-vous conscience, madame la députée, que vous remettez en cause l’adoption car il sera plus difficile d’adopter demain ?

Mme Elisabeth Pochon.

Vous savez aussi, mes chers collègues, qu’il n’a jamais été question d’en changer les règles dans le cadre du mariage des personnes de sexe différent. Vous n’aviez que les mots « échecs de l’adoption » à la bouche en commission. Connaissez-vous des histoires humaines écrites d’avance ? Parle-t-on d’échec du lien biologique dans les dysfonctionnements familiaux dont regorgent les faits divers ? Il faut une telle détermination pour un projet d’adoption qu’on peut penser que tous ces couples hétérosexuels ou homosexuels ont de grandes ressources pour accompagner les enfants vers l’âge adulte.
 
L’adoption n’est pas une affaire de marché d’offre et de la demande mettant en compétition des couples en fonction de leur orientation sexuelle, mais une affaire de parents sur un pied d’égalité. Jamais les couples de même sexe souhaitant adopter n’ont eu l’intention malsaine de faire croire à un enfant qu’on pouvait naître biologiquement de deux mamans ou de deux papas, mais seulement qu’on pouvait grandir entre deux papas et deux mamans.
 
Craignez-vous que l’orientation sexuelle des enfants soit orientée ? Mais les homosexuels sont tous enfants d’hétérosexuels. Certes, il est normal de craindre de rajouter à l’histoire personnelle d’un enfant adopté par un couple homosexuel une différence supplémentaire à assumer ; mais les différences sont légion dans les familles adoptives : couleur, handicap, religion, niveau social, et l’enfant s’adapte, règle ces questions avec l’affection et l’éducation qu’il reçoit.
 
Avant de suspecter les homosexuels de dissimulation, balayons devant notre porte ! La révélation de l’adoption est une pratique relativement récente chez les familles hétérosexuelles ; la rédaction des livrets de famille témoigne encore d’un mensonge d’État en déclarant les enfants adoptés nés de leurs parents adoptifs, et 70 % des PMA sont secrètes.
 
Notre arsenal législatif autour de la famille a besoin d’un sérieux toilettage pour s’adapter à des conceptions de la famille qui ont changé. Il est temps de rappeler aux autodéclarés gardiens d’un supposé ordre naturel que c’est aux élus de la nation qu’il convient de dire la loi au nom du peuple français. Soyons fiers de siéger ici aujourd’hui !

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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