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jeudi 31 janvier 2013

E. Guigou (30 janvier)

Mme Élisabeth Guigou.

Monsieur le président, mesdames les ministres, chers collègues, j’ai cinq minutes – c’est court – pour dire d’abord mon indignation devant les propos que j’ai entendus hors de cet hémicycle depuis des mois, et dans cet hémicycle entre hier et aujourd’hui. Ce n’est pas le cas de tous, je le reconnais, et certains propos ont été plus modérés que d’autres.

M. Michel Issindou. Assez peu !

Mme Élisabeth Guigou.

Mais dans l’ensemble, ce furent travestissements, amalgames, procès d’intention et hypocrisies. Mesdames et messieurs de l’opposition, j’aurais cru, et l’ai même déclaré dans la presse hier, que les leçons du PACS avaient été retenues.

M. Hervé Mariton. Et votre promesse ?

Mme Élisabeth Guigou.

Il y a quinze ans, on avait entendu au sujet du PACS des horreurs du style « le retour à la barbarie », « la nation n’a pas à encourager les déviances », « les tantes vont pouvoir se marier », « pourquoi pas avec son chien »…

M. Hervé Mariton. Nous sommes en 2013 !

Mme Élisabeth Guigou.

Quelques années après avoir proféré ces horreurs, la droite s’étant ralliée au PACS et l’ayant même amélioré après avoir proféré ce genre d’horreurs, je pensais que nous aurions un débat plus apaisé et plus serein.
 
Or qu’ai-je entendu ? Des attaques incessantes contre la garde des sceaux, qui m’ont rappelé la tonalité de nos débats il y a quinze ans ! Des amalgames odieux ! Et même un ancien Premier ministre tout à l’heure a osé, comme d’autres avant lui, instrumentaliser mes propos !
 
Non, le PACS n’avait rien à voir avec la famille : c’était seulement la reconnaissance, pour la première fois dans notre droit, de l’existence des couples homosexuels, que cela vous plaise ou non ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
 
C’est encore ce qu’il nous faut accepter aujourd’hui : une reconnaissance plus forte, par un acte plus engageant encore, le mariage et non un simple contrat d’union civile, de ces couples de même sexe qui existent, s’aiment et ont envie d’élever ensemble des enfants.

M. Hervé Mariton. Reniement !

Mme Élisabeth Guigou.

Il me reste deux minutes pour donner les raisons qui me poussent à soutenir ce texte. Le débat actuel est différent ; il épouse les évolutions de la société (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), il faut savoir regarder en face la réalité des familles homoparentales…

M. Jean-Frédéric Poisson. Pas avant ?

M. le président. Allons, monsieur Poisson ! Vous allez obliger M. Mariton à faire un rappel au règlement pour vous faire taire !

Mme Élisabeth Guigou.

S’ils veulent faire un rappel au règlement, allons-y !

M. le président. Mais non, madame Guigou. Poursuivez.

Mme Élisabeth Guigou.

Ils renoncent, très bien !

M. Laurent Furst. Ce n’est pas vous qui présidez !

Mme Élisabeth Guigou.

Il faut admettre la situation douloureuse de ces couples de plus en plus nombreux, hétérosexuels ou homosexuels, qui élèvent un enfant mais dont un seul des deux membres est un lien juridique avec lui, soit qu’il l’ait conçu biologiquement, soit qu’il l’ait adopté en étant célibataire.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Merci, Élisabeth !

Mme Élisabeth Guigou.

Certains de ces couples veulent renforcer leur engagement, être reconnus par la société et, comme beaucoup de couples hétérosexuels, passer du PACS au mariage. Je considère depuis longtemps que la volonté de deux adultes consentants doit être respectée, car cela ne gène personne et que c’est une question de liberté.
 
Il est vrai qu’au sujet de l’adoption, j’ai beaucoup réfléchi, et j’ai hésité. Et pourquoi ai-je évolué ? Justement parce que j’ai considéré le droit des enfants, l’intérêt des enfants. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Depuis treize ans, j’ai rencontré des associations et vu des familles, homoparentales ou hétérosexuelles, dans lesquelles l’un des parents n’avait aucun lien juridique avec l’enfant : en cas de séparation ou même dans la vie quotidienne, comme l’a très bien dit Marie-George Buffet, lorsqu’il s’agit d’accompagner un enfant à l’école ou à l’hôpital, ce parent n’a aucun droit. Cette situation est intolérable, et il faut y remédier.
 
Si nous voulons protéger ces enfants de la violence de séparations qui leur sont imposées, il faut permettre la permanence du lien entre ces enfants et les deux parents qui les élèvent.
 
Oui, c’est eu égard à l’intérêt et au droit des enfants que je soutiens, madame la garde des sceaux, le texte que vous nous présentez, car il protège davantage ces enfants élevés dans des familles homoparentales ou des familles recomposées.
 
Il faut dire aussi que notre droit autorisait une certaine hypocrisie : un célibataire pouvait adopter, mais pas un couple de même sexe, alors même qu’un couple est un gage de stabilité.
 
J’ai toujours considéré que les enfants pouvaient être aussi bien – ou aussi mal – élevés par un couple homosexuel que par un couple hétérosexuel. Mais ce qui m’a déterminée au bout du compte, c’est que votre projet de loi n’annule pas la différence des sexes, qui est fondamentale.

M. Hervé Mariton. Ah ! l’article-balai !

Mme Élisabeth Guigou.

Cette altérité est constitutive de l’humanité et elle est indispensable pour construire l’identité de l’enfant, quand bien même elle est d’ordre symbolique.
 
C’est donc parce que votre projet de loi n’annule pas la différence des sexes que je le soutiens. Mais il faudra voir ce que l’on écrira dans les livrets de famille : là aussi, il faudra veiller à ne pas annuler la différence des sexes, comme dans les textes qui découleront de la loi.
 
Je veux féliciter, pour conclure, la ministre de la justice, qui a su défendre la cohérence de ce projet de loi, mais aussi le rapporteur et le président de la commission des lois, qui ont su organiser des auditions exhaustives et équilibrées. Enfin, madame la ministre de la famille, soyez assurée de mon soutien à votre projet de loi sur les droits des différentes familles, car il y a bien plusieurs formes de famille. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Ce site a été actif entre novembre 2012 et mai 2013, pendant les débats sur la loi concernant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
 
Il est, et restera, à disposition de ceux qui le souhaitent pour garder en mémoire les peurs, contre-vérités et attaques de ceux qui y étaient opposés.

Deuxième édition pour Marions-les ! ,le livre gratuit à avoir toujours sur soi, pour ne plus se laisser impressionner par contre-vérités et approximations.


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